26/06/2020
Paul Louis Rossi, Le voyage de Sainte Ursule
(mémoire)
En ce temps-là j’étais dans un pays lointain et j’écoutais
dans le froid crépiter les glaces où luisaient
la flamme des autel et l’or fin
des missels
C’était dans un temps très ancien et je me trouvais dans une
Ville lointaine enfouie autant qu’il m’en
souvienne dans les neiges et pourtant
tiède et familière
Et j’entendais au cœur de cette Ville d’Europe une
musique résonner au fond des rues comme je
suppose doit résonner dans les cours
l’orgue de Barbarie
Et sans doute demeurais-je depuis toujours dans cette
Ville au ciel précieux comme un vieux pastel
qui le soir se teintait de rose
et de violet
Paul Louis Rossi, Le voyage de Sainte Ursule, Gallimard, 1973, p. 17.
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15/02/2013
Paul Louis Rossi, Le Voyage de sainte Ursule
Et je marchais dans les rues paisible en apparence
mais tout entier tremblant de cette mémoire
inconnue comme un
alcool
Tourmenté de ce regard plongé à travers moi dans le
temps aveugle et pénétrant cette trame
indéchiffrable d'images fugitives
et de sonneries
Presque illisible où s'inscrivaient des souvenirs qui
ne me laissaient jamais reposer et j'allais
perpétuellement agité de l'auberge
au gibet
Aisni qu'une barque amarrée roulant au fil des eaux
enfermé dans la spirale des rues nouant et
dénouant l'écheveau de cette
Ville ancienne
Paul Louis Rossi, La Voyage de sainte Ursule, Gallimard, 1973, p. 19.
© Photo Chantal Tanet, 2011.
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02/12/2011
Paul Louis Rossi, Le Voyage de sainte Ursule
[le plaisir]
(donnez-nous des plaisirs aigus
croisés comme des fers d'épées)
Il l'embrasse il la vénère
Elle a des cheveux roux et fous
Ils semblent dire une prière
L'un pour l'autre et contre tous
(ah! donnez-nous des plaisirs aigus
l'odeur des œillets sauvages)
Elle sourit au fond de la salle
Une légère moue sur les lèvres
Un col blanc comme une voile
Tendue sur la mer tranquille
(des aiguilles de pin
criblées des feux de l'été)
Elle penche la tête pour cacher
Le trouble de son regard
Son désir et sa chasteté
Pareil au vin à l'eau mêlé
(violet couleur de la mer
violet couleur de la mort)
Pris d'une passion ingénue
Il agite devant ses yeux
Les prestiges de sa bouche
Rêvant son image nue
(comme une bête furieuse
un taureau ivre de rouge)
L'orage gronde sur la côte
Ils sentent venir le désir
De mesurer côte à côte
Le vertige du plaisir
(un paysage endormi
lassé de couleurs et de cris)
Ils reposent ensommeillés
Sur le sable d'une plage
Abandonnés contre les épaves
Seuls et las de s'être enlacés
Paul Louis Rossi, Le Voyage de sainte Ursule, Gallimard,
1973, p. 64-65.
© Photographie Chantal Tanet
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