27/07/2013
Jean Tardieu, Obscurité du jour
Le commencement de la fin
La quête des origines est un terme vague, un lieu commun, une illusion de l'esprit. Mais c'est aussi la traduction mythique du paradoxe permanent dont nous vivons quand nous situons dans le passé l'espoir invincible du Mieux. Nous sommes pareils à la souris des expériences classiques : toutes les issues sont fermées sauf une. Là, à la sortie du labyrinthe, se montre la mince lumière, le vent frais, la fin du tunnel : rien d'autre que l'espérance de la Nouveauté, seul « rachat » possible dans un monde où l'habitude nous asphyxie.
C'est peut-être l'une des grandeurs de l'art que d'être un des rares domaines, périlleux et fascinants, où puisse être tranchée notre soif de renouvellement, c'est-à-dire notre besoin permanent de transgression.
Ainsi plongeant le jour dans notre nuit comme un fer rouge qui bouillonne au contact de l'eau glacée, ou bien cherchant une aube inconnue à l'orée du souterrain et l'air pur au-delà des fumées, nous confondons, dans une même recherche obstinée, ce qui ne reviendra pas et ce qui pourrait être, car notre terre promise est toujours un paradis perdu.
Jean Tardieu, Obscurité du jour, "Les Sentiers de la création", Albert Skira, 1974, p. 105-106.
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