18/01/2024
Pierre Chappuis, À portée de la voix
Dans la clarté maintenue
Sans hâte, sur l’esplanade, le soir étend ses linges ici et là à même le sol entre les arbres, de moment en moment (oh ! le ralentissement de la durée) diffère la tombée de la nuit.
Au fond se dresse l’étroite façade de pierre jaune dont le sommet se perd dans les touffes d’arbres.
Flotter entre deux dans la clarté maintenue, porté par le parfum des tilleuls.
Pierre Chappuis, À portée de la voix, José Corti, 2003, p. 23.
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24/04/2013
Pierre Chappuis, À portée de la voix
Avril, embellie
Clarté, soudain de partout rayonne une même clarté.
Elle se laisse emporter à regret, dirait-on, glisse, alanguie, joueuse, enjouée, s'attarde à des embrassades, éprise d'elle-même, disperse ses reflets aussitôt rassemblés que fractionnés ; bientôt se lance à corps perdu dans des rapides, rejaillit de ruade en ruade, impatiente de s'envoyer en l'air.
Ou encore : frondaison de gouttelettes en suspension au-dessous d'une large verrière prenant tout le toit, à l'instant dégagé de son vélum.
*
Cortège d'automne
Entre des rives jonchées de confetti et autres cotillons, sans bruit, quels esquifs légers, on dirait aériens défileraient, portant couleur, chacun à son allure ?
En réalité, se pressant en foule, se bousculant pour se mettre en place, tout juste s'ils ne chavirent pas.
Un instant pris dans des tourbillons, défaits, dispersés, soudain sans éclat, plus loin de nouveau s'égaient dans le courant apaisé.
Pierre Chappuis, À portée de la voix, José Corti, 2002, p. 21, 48.
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29/03/2013
Pierre Chappuis, À portée de la voix
L'oiseau à tire d'aile
Taillant dans le vif à tire d'aile au plus étroit du défilé comme si, issue des ténèbres, une main donnait — mais dans le vide — de grands coups de ciseaux.
Le bel embrouillamini de cascades, de tourbillons, de remous, plis et replis, de gerbes d'écume qu'il traverse sans dévier !
Joindra-t-il une rive de la nuit à l'autre ? En tout cas sans mettre aucun ordre ni tracer de ligne de démarcation qui vaille. Pour l'avoir frôlée, ne noircira pas l'eau, messager de l'oubli.
Geais querelleurs encore
L'air qu'invisiblement, presque imperceptiblement on froisse, de l'autre côté de la haie ; venu le moment des cadeaux, on s'apprêterait, cachant mal son éclat, à dégager avec précaution quelque chose (rien moins que le jour) de son emballage encombrant quoique léger, qui se déchire, s'en va en lambeaux, poussé de côté.
Peut-être un couple de geais.
Leurs soudaines criailleries, tels des jurons, leur grossièreté, tandis qu'ils s'affairent ramènent sans ménagement aux tâches, aux préoccupations terre à terre.
Pierre Chappuis, À portée de la voix, José Corti, 2002, p. 7, 56.
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