07/10/2013
Philippe Raymond-Thimonga, Brusquement, sans prudence
Gueux. Vagabonds. Chemineaux. S.D.F.
Voici longtemps que le sans-abri de longue durée ne peut plus se voir, qu'il ne peut plus nous voir, et d'ailleurs qu'il ne peut plus voir avant de ne plus être vu.
Il est exilé.
Il s'est déporté : hors de la vue.
Ni voyant ni vu, dispensé de visage mais transportant un faciès au cœur de la ville voici longtemps que le sans-abri te regarde sans existence.
*
Rouge livide et crocheté
Souvent devant les toiles de Francis Bacon nous sommes saisis par un écart entre la permanence de la peinture (grand art de la composition, la lumière, les couleurs) et la disparition de ce qu'hier encore on appelait un visage.
Quand sur la toile ne reste pas même les traces d'un visage mais du faciès : ce qui en toi depuis toujours est tourné vers l'animal (mufle... groin... gueule...) et qui demeure là
devant toi suspendu, crocheté dans la chair impassible des couleurs ... aveugle dans le vide
tête décapitée de son âme
*
La réalité est un lieu commun.
La réalité est ce lieu commun qu'une moyenne d'hommes tient pour la région naturelle du vrai.
Philippe Raymond-Thimonga, Brusquement, sans prudence, L'Harmattan, 2013, p. 41 et 70-71.
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