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02/10/2021

Théophile de Viau, Après m'avoir fait tant mourir

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                         Sonnet

 

D’un sommeil plus tranquille à mes amours rêvant,

J’éveille avant le jour mes yeux et ma pensée,

Et cette longue nuit si durement passée,

Je me trouve étonné de quoi je suis vivant.

 

Demi désespéré je jure en me levant

D’arracher cet objet à mon âme insensée,

Et soudain de ses vœux ma raison offensée

Se dédit et me laisse aussi fol que devant.

 

Je sais bien que la mort suit de près ma folie,

Mais je vois tant d’appas en ma mélancolie

Que mon esprit ne peut souffrir sa guérison.

 

Chacun à son plaisir doit gouverner son âme,

Mithridate autrefois a vécu de poison,

Les Lestrigons de sang et moi de je vis de flamme.

 

Théophile de Viau, Après m’avoir fait tant mourir,

Poésie/Gallimard, 2002, p. 119.

20/04/2020

Théophile de Viau, Après m’avoir fait tant mourir

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                       Sonnet

 

Ministre du repos, sommeil père des songes,

Pourquoi t’a-t-on nommé l’Image de la Mort ?

Que ces faiseurs de vers t’ont jadis fait de tort,

De le persuader avecque leurs mensonges !

 

Faut-il pas confesser qu’en l’aise où tu nous plonges,

Nos esprits sont ravis par un si doux transport,

Qu’au lieu de raccourcit, à la faveur du sort,

Les plaisirs de nos jours, sommeil tu les prolonges.

 

Dans ce petit moment, ô songes ravissants !

Qu’Amour vous a permis d’entretenir mes sens,

J’ai tenu dans mon lit Élise toute nue.

 

Sommeil, ceux qui t’ont fait l’Image du trépas,

Quand ils ont peint la mort ils ne l’ont point connue :

Car vraiment son portrait ne lui ressemble pas.

 

Théophile de Viau, Après m’avoir fait tant mourir,

Œuvres choisies, Poésie/Gallimard, 2003, p. 117.

30/05/2018

Théophile de Viau, Après m’avoir fait tant mourir,

 

               théophile de viau,après m’avoir fait tant mourir,ode,absurde

                    Ode

 

Un Corbeau devant moi croasse,

Une ombre offusque mes regards,

Deux belettes et deux renards

Traversent l’endroit où je passe :

Les pieds faillent à mon cheval,

Mon laquais tombe du haut mal,

J’entends craqueter le tonnerre,

Un esprit se présente à moi,

J’ois Charon qui m’appelle à soi,

Je vois le centre de la terre.

 

Ce ruisseau remonte en sa source,

Un bœuf gravit sur un clocher,

Le sang coule de ce rocher,

Un aspic s’accouple d’une ourse,

Sur le haut d’une vieille tour

Un serpent déchire un vautour,

Le feu brûle dedans la glace,

Le Soleil est devenu noir,

Je vois la Lune qui va choir,

Cet arbre est sorti de sa place.

 

Théophile de Viau, Après m’avoir fait tant mourir, Œuvres choisies, édition présentée et établie par Jean-Pierre Chauveau, Poésie / Gallimard, 2002, p. 88 et 90.

 

03/01/2014

Théophile de Viau, Après m’avoir fait tant mourir

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             Ode

 

Un Corbeau devant moi croasse,

Une ombre offusque mes regards,

Deux belettes et deux renards

Traversent l’endroit où je passe :

Les pieds faillent à mon cheval,

Mon laquais tombe du haut mal,

J’entends craqueter le tonnerre,

Un esprit se présente à moi,

J’ois Charon qui m’appelle à soi,

Je vois le centre de la terre.

 

Ce ruisseau remonte en sa source,

Un bœuf gravit sur un clocher,

Le sang coule de ce rocher,

Un aspic s’accouple d’une ourse,

Sur le haut d’une vieille tour

Un serpent déchire un vautour,

Le feu brûle dedans la glace,

Le Soleil est devenu noir,

Je vois la Lune qui va choir,

Cet arbre est sorti de sa place.

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                                                           Le monde renversé 

 

                        Sonnet

  

L’autre jour inspiré d’une divine flamme,

J’entrai dedans un temple, où tout religieux

Examinant de près mes actes vicieux,

Un repentir profond fit soupirer mon âme.

 

Tandis qu’à mon secours tous les Dieux je réclame,

Je vois venir Phyllis : quand j’aperçus ses yeux

Je m’écriai tout haut :  ce sont ici mes Dieux,

Ce temple, et cet Autel appartient à ma Dame.

 

Le Dieux injuriés de ce crime d’amour

Conspirent par vengeance à me ravir le jour ;

Mais que sans plus tarder leur flamme me confonde.

 

Ô mort, quand tu voudras je suis prêt à partir ;

Car je suis assuré que je mourrai martyr,

Pour avoir adoré le plus bel œil du monde.

 

Théophile de Viau, Après m’avoir fait tant mourir, Œuvres choisies, édition présentée et établie par Jean-Pierre Chauveau, Poésie / Gallimard, 2002, p. 88 et 90.


12/01/2012

Théophile de Viau, Après m'avoir fait tant mourir

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                     Sonnet

 

Au moins ai-je songé que je vous ai baisée,

Et bien que tout l'amour ne s'en soit pas allé,

Ce feu qui dans mes sens a doucement coulé,

Rend en quelque façon ma flamme rapaisée.

 

Après ce doux effort mon âme reposée

Peut rire du plaisir qu'elle vous a volé,

Et de tant de refus à demi consolé,

Je trouve désormais ma guérison aisée.

 

Mes sens déjà remis commencent à dormir,

Le sommeil qui deux nuits m'avait laissé gémir

Enfin dedans mes yeux vous fait quitter la place.

 

Et quoiqu'il soit si froid au jugement de tous,

Il a rompu pour moi son naturel de glace,

Et s'est montré plus chaud et plus humain que vous.

 

 

 

                     Sonnet

 

Je songeais que Phyllis des enfers revenue,

Belle comme elle était à la clarté du jour,

voulait que son fantôme encore fît l'amour

Et que comme Ixion1 j'embrassasse une nue.

 

Son ombre dans mon lit glissa toute nue

Et me dit : cher Tircis, me voici de retour,

Je n'ai fait qu'embellir en ce triste séjour

Où depuis ton départ le sort m'a retenue.

 

Je viens pour rebaiser le plus beau des Amants,

Je viens pour remourir dans tes embrassements.

Alors quand cette idole eut abusé ma flamme,

 

Elle me dit : Adieu, je m'en vais chez les morts,

Comme tu t'es vanté d'avoir foutu mon corps,

Tu te pourras vanter d'avoir foutu mon âme.

 

Théophile de Viau, Après m'avoir fait tant mourir, Œuvres choisiesédition présentée et établie par Jean-Pierre Chauveau, Poésie /Gallimard, 2002, p. 118 et 95.



1  Ixion, qui avait osé aimer Junon, fut éprouvé par Jupiter avec une nuée qui avait l'apparence de la déesse ; convaincu, grâce à ce stratagème, de sa culpabilité, Jupiter le foudroyé. [note de Jean-Pierre Chauveau]

11/06/2011

Théophile de Viau, Après m'avoir fait tant mourir

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               Ode

 

Un Corbeau devant moi croasse,

Une ombre offusque mes regards,

Deux belettes et deux renards

Traversent l’endroit où je passe :

Les pieds faillent à mon cheval,

Mon laquais tombe du haut mal,

J’entends craqueter le tonnerre,

Un esprit se présente à moi,

J’ois Charon qui m’appelle à soi,

Je vois le centre de la terre.

 

Ce ruisseau remonte en sa source,

Un bœuf gravit sur un clocher,

Le sang coule de ce rocher,

Un aspic s’accouple d’une ourse,

Sur le haut d’une vieille tour

Un serpent déchire un vautour,

Le feu brûle dedans la glace,

Le Soleil est devenu noir,

Je vois la Lune qui va choir,

Cet arbre est sorti de sa place.

 

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                                                           Le monde renversé 

 

                        Sonnet

  

L’autre jour inspiré d’une divine flamme,

J’entrai dedans un temple, où tout religieux

Examinant de près mes actes vicieux,

Un repentir profond fit soupirer mon âme.

 

Tandis qu’à mon secours tous les Dieux je réclame,

Je vois venir Phyllis : quand j’aperçus ses yeux

Je m’écriai tout haut :  ce sont ici mes Dieux,

Ce temple, et cet Autel appartient à ma Dame.

 

Le Dieux injuriés de ce crime d’amour

Conspirent par vengeance à me ravir le jour ;

Mais que sans plus tarder leur flamme me confonde.

 

Ô mort, quand tu voudras je suis prêt à partir ;

Car je suis assuré que je mourrai martyr,

Pour avoir adoré le plus bel œil du monde.

 

Théophile de Viau, Après m’avoir fait tant mourir, Œuvres choisies, édition présentée et établie par Jean-Pierre Chauveau, Poésie / Gallimard, 2002, p. 88 et 90.