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10/06/2018

Geoffrey Squires, Silhouettes

Geoffrey_Squires.jpg   

Eau grise

une petite butte d’arbres

 

à quoi penses-tu on

ne peut pas demander ça

c’est si bien d’être à l’écart de tout le monde

 

le doux champ de son ventre

fragile chaleur d’été

 

juste naturel

 

Grey water

a little spit of trees

 

what are you thinking

not allowed to sak that

how nice to be away from anywhere

 

the soft fiel of her belly

frail summer heat

 

only natural

 

Geofrey Squires, Silhouettes, traduction

François Heusbourg,Unes, 2018, p. 21 et 20.

12/04/2015

Truman Capote, Les Chiens aboient (souvenirs, sites, silhouettes)

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                                   Fontana Vecchia

 

   Avant l’aube, quand les étoiles s’abaissent à l’horizon devant les fenêtres de ma chambre, grosses comme des hiboux, un tintamarre prend naissance tout au long du chemin abrupt et parfois périlleux qui descend des montagnes. Ce sont les familles de fermiers qui se rendent au marché de Taormina. Devant les sabots vacillants des ânes surchargés viennent s’éparpiller des pierres détachées du talus. Des rires nous arrivent par bouffées. Des lanternes se balancent ; on pourrait presque penser qu’elles font signe aux pêcheurs nocturnes qui, tout en bas, sont en train justement de hisser leurs filets sur la rive. Tout à l’heure, au marché, fermiers et pêcheurs se retrouveront. De petite taille, un peu comme les Japonais, mais solides ; en fait, il y a quelque chose de surabondant, presque, dans cette maigreur qui a la dureté d’une noix. Si vous les interrogez sur la fraîcheur d’un poisson, la maturité d’une figue, voyez quels grands comédiens ce sont là : Si ! buono ! On vous amène à sentir vous-même le poisson ; on vous exprime comme le fruit est bon par un roulement des yeux extatique et menaçant. Je me laisse toujours intimider. Non pas les villageois, qui tapotent froidement dans ces joies petites tomates et n’hésitent pas à renfler le poisson ni à tâter brutalement un melon. Aller aux provisions et prévoir un menu est partout un problème, je sais bien ; mais après quelques mois en Sicile, la ménagère la plus habile doit se méfier un peu.

 

Truman Capote, Les Chiens aboient - souvenir, sites, silhouettes, traduit de l’anglais par Jean Malignon, L’étrangère / Gallimard,1997 [1977], p. 49-50.

 

 

 

20/10/2014

Jean Frémon, Silhouettes

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                           Une journée de R. W.

 

La passion de servir. Être un autre. Manquer de respect au premier venu. Ne pas conclure. Bêcher le jardin. Trier des pois, tourner de la ficelle, coller des sacs de papier. Prendre une ou deux résolutions. Remettre son départ au lendemain. Un même amour pour le provisoire et l'éternel. Suivre la courbe des nuages dans la vitre, une herbe dans la bouche. Cet épi rétif dans les cheveux. Brusquer une décision. L'incompréhension générale est votre  liberté. Ne pas en faire une règle. Une fin sans histoire, longtemps préparée. Je vous lègue mon chapeau.

 

                                   Abschied

 

Un foulard de laine en cache-nez. Le bonjour donné à la ronde. L'haleine en nuage devant soi. Le crissement de la neige sous les pas. Peu de barrières aujourd'hui, peu de retenue. Le ciel très haut que traverse, de gauche à droite, un corbeau.

Une résolution. Poings serrés dans les poches. Suivre la pente, s'en écarter doucement. L'air froid aspiré profond. Une sorte d'asymptote.

 

Jean Frémon, Silhouettes, dessins de Nicola de Maria, éditions Unes, 1991, p. 39 et 41.