25/04/2021
Borges, Histoire de la nuit
Un livre
À peine une chose parmi les choses
Mais tout autant une arme. On la forgea
En Angleterre, l’an 1604 ;
On la chargea d’un rêve. Elle renferme
Bruit et fureur et nuit et rouge écarlate.
Ma paume la soupèse. Qui dirait
Qua l’enfer est en elle : ces sorcières
Barbues que sont les Parques, les poignards
À quoi l’ombre ordonne d’exécuter
Ses décrets, l’air délicat du château
Qui te verra mourir, la délicate
Main capable d’ensanglanter les mers,
l’épée et la clameur de la bataille.
Et ce tumulte silencieux dort
Au cœur de l’un des livres d’un tranquille
Rayonnage. Il dort et il attend.
Borges, Histoire de la nuit, traduction Jean-Pierre Bernès et Nestor Ibarra, dans Œuvres, II, Pléiade/Gallimard, 1999, p. 619.
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12/02/2015
Hölderlin, Aux Parques, traduction Philippe Jaccottet
Aux Parques
Un seul, un seul été... Faites m’en don, Toutes –Puissantes !
Un seul automne où le chant en moi vienne à mûrir,
Pour que mon cœur de ce doux jeu rassasié,
Sache se résigner alors, et meure.
L’âme à qui fut déniée, vivante sa part divine,
Cherche en vain le repos dans la ténèbre de l’Orcus.
Mais qu’un jour cette chose sainte en moi, ce cœur
De mon cœur, le Poème, ait trouvé naissance heureuse :
Béni soit ton accueil, ô silence du pays des ombres !
Vers toi e descendrai, les mains sans lyre et l’âme
Pourtant pleine de paix. Une fois, une seule,
J’aurai vécu pareil aux dieux. Et c’est assez.
Hölderlin, Poèmes, traduction Philippe Jaccottet, dans
Œuvres, sous la direction de P. Jaccottet, Gallimard /
Pléiade, 1967, p. 109.
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