19/09/2019
Michel Deguy, Poèmes de la Presqu'île
Le vent
Du vent sur le village ! Stères des maisons qui branlent, et les flaques gelées des vitres craquent sous ses pas puissants. Tout est ébauche de fable, et moi de rares poèmes. Sous les yeux dessertis tourne le documentaire.
Comment être à ce nouveau monde
Arbre et tête de sang et vent et trous et vides et murmures, l’oreille bat sous le vent du sang.
Tête à tête bruissant, deux arbres hagards aux ocelles de vide, grands ossuaires aux mille orbites. Un souffle fait bruire les rets de dendrites.
Un souffle... il attise une parole.
Le vent, là-bas !
Un vent qui tente la racine, inventant à l’aveugle l’espace !
Passant le souffle érige les oreilles
Il plante au sol l’arbre de ma stupeur et va se ruer sous l’essieu de la nuit.
Michel Deguy, Poèmes de la Presqu’île, Gallimard, 1961, p. 18.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Deguy Michel | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michel deguy, poèmes de la presqu’île, le vent, souffle, stupeur | Facebook |
31/01/2013
André Spire, Le secret
Baisers
Vents, qui avez, tant de fois, caressé mon visage,
Quels baisers, aujourd'hui, m'apportez-vous ?
Sur quels temples, sur quels corps vous êtes-vous caressés au
passage ?
Où avez-vous cueilli ces étranges odeurs,
Ou d'amour, ou de mort ?
Quel rayon aspirant quelles eaux ont formé votre souffle
Pour sécher quelles larmes, quelles mares, quelles routes ?
Vents, qui m'avez si souvent caressé le visage,
Qu'emportez-vous de moi, ce soir bleu pâle et gris,
Et vers autre front,
Mes chagrins ou mes rêves ?
Avril 1914
André Spire, Le secret, éditions de la Nouvelel Revue Française,
1914, p. 109.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : andré spire, le secret, baisers, le vent | Facebook |
15/11/2012
Emily Dickinson, Le vent se mit à bercer l'herbe, traduction Pierre Leyris
Le vent se mit à bercer l’Herbe
Le Vent se mit à bercer l’Herbe
Avec des Airs de Basse grondeuse —
Lançant une Menace à la Terre —
Une Menace au Ciel.
Les Feuilles se décrochèrent des Arbres —
Et s’égaillèrent de toutes parts
La Poussière se creusa elle-même comme des Mains
Et dispersa la Route.
Les Chars se hâtèrent dans les Rues
Le Tonnerre se rua lentement —
L’Éclair exhiba un Bec Jaune
Et puis une Griffe livide.
Les Oiseaux verrouillèrent leurs Nids —
Le Bétail s’enfuit vers les Granges —
Vint une goutte de Pluie Géante
Et puis ce fut comme si les Mains
Qui tenaient les Barrages avaient lâché prise
Les Eaux Dévastèrent le Ciel,
Mais négligèrent la Maison de mon Père —
N’écartelant qu’un Arbre —
The Wind begun to rock the Grass
The Wind begun to rock the Grass
With threatening Tunes and low —
He threw a Menace at the Earth —
A Menace at the Sky.
The Leaves unbooked themselves from Trees —
And started all abroad
The Dust did scoop itself like Hands
And threw away the Road.
The Wagons quickened on the Streets
The Thunder hurried slow —
The Lightning showed a Yellow Beak
And then alivid Claw.
The Birds put up the Bars to Nets —
Ther came one drop of Giant Rain
And then as il the Hands
That held the Dams had parted hold
The Waters Wrecked the Sky,
But overlooked my Fathers’s House —
Just quartering a Tree —
Emily Dickinson, traduction Pierre Leyris dans son Anthologie
de la poésie américaine du XIXe siècle, édition bilingue, Gallimard,
1995, p. 332-333.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emily dickinson, le vent, l'herbe, l'orage, la pluie | Facebook |