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07/02/2021

Catherine Pozzi, Paul Valéry, La flamme et la cendre, Correspondance

 

À Catherine Pozzi

Paris, vendredi 25 février 1921

 

Catherine Pozzi, Paul Valéry, Correspondance, aimer, lettre

(...) Tu comprends, mon petit nigaud, que je t’aime comme sœur et comme femme et comme Psyché et comme Éros, comme infiniment intime, et je ne puis rien ôter de ton adorable collier. Je ne peux pas briser le fil qui retient les perles. La rareté incomparable du joyau vient de cette réunion. Une perle considérée me jette à l’autre, et d’orients en orients je te parcours indéfiniment. C’est t’aimer chérie trop complète trop nécessaire trop fermée autour de L.

   Donnez-moi mon souci quotidien. N’est-ce pas mon petit et de quoi voulez-vous que je vive ? Je ne pense pas que tu comprennes ce besoin impossible qui tout à coup après une nuit et un demi-jour de peine tendre et sombre, se soulève et me brise contre moi-même car c’est moi aussi qui suis obstacle à moi vers toi, puisque si j’étais autre, peut-être il n’y aurait pas d’obstacle.

 

Catherine Pozzi, Paul Valéry, La flamme et la cendre, Correspondance, édition Lawrence Joseph, Gallimard, 2006, p. 133.

16/11/2016

Paul Valéry-Catherine Pozzi, La flamme et la cendre, Correspondance

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À Catherine Pozzi

 

                                                                                  Lundi [Nice 24 avril 1922]

 

Je rentre à l’hôtel à 11h pour.. y trouver ce télégramme. Obsèques de qui ? Duchesne ? Elles ont lieu demain, pas aujourd’hui. Et puis quand elles auraient lieu aujourd’hui ! Aujourd’hui, dernier jour que nous pouvions avoir bien seuls.

— Ainsi, je m’en vais dans quatre jours. Jamais peut-être occasion pareille d’être ensemble, — et, contre l’Évangile même qui, cette fois unique, a dit quelque chose de raisonnable, vous préférez les défunts aux vivants ; l’Éternité qui n’est rien, au Temps, qui est tout, et ce mort à moi. Je suis affligé, ahuri, blessé, humilié, accablé de tristesse par ces dix mots inattendus. Hélas ! faut-il toujours qu’à peine éloigné de vous le moins du monde, surgissent des vapeurs et des ombres insensées !

Où est donc hier ? Ai-je rêvé que nous étions si doucement ensemble ? Pourquoi ne m’avoir rien dit de ceci, hier, qui était hier ? Que voulez-vous que je comprenne ? — j’ai cette terrible impression de l’obscurité, et cette autre, qui m’est si atroce, du temps dilapidé. Et il y en a si peu !

 

Catherine Pozzi, Paul Valéry, La flamme et la cendre, Correspondance, Gallimard, 2006, p. 382-383.