30/11/2022
Erich Fried, Es ist was es ist
Par la pensée
Te penser
et penser à toi
et penser à toi toute entière et
penser au te-boire
et penser au t’aimer
et penser à l’espérer
et espérer et encore
et toujours plus espérer
le te-revoir-toujours
Ne pas te voir
et par la pensée
non seulement te penser
mais aussi déjà te boire
et déjà t’aimer
Et alors seulement ouvrir les yeux
et par la pensée
d’abord te voir
et puis te penser
et puis de nouveau t’aimer
et de nouveau te boire
et puis
te voir de plus en plus belle
et puis te voir penser
et penser
que je te vois
Et voir que je peux te penser
et sentir ta présence
quand bien même
je ne peux te voir avant longtemp
Quoi ?
Qu’es-tu pour moi ?
Que sont pour moi tes doigts
et tes lèvres ?
Qu’est pour moi le son de ta voix ?
Qu’est pour moi ton odeur
avant l’étreinte
et ton parfum
pendant l’étreinte
et après ?
Qu’es-tu pour moi ?
Que suis-je pour toi ?
Que suis-je ?
Erich Fried, Es ist was es ist, traduction Chantal Tanet et Michael Hohmann.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : erich fried, es ist was es ist | Facebook |
27/11/2022
Erich Fried, Es ist was es ist
Merci et pardon
(50 ans après l’arrivée au pouvoir d’Hitler)
Beaucoup trop accoutumés
à hocher la tête d’indignation
devant les crimes
de l’époque de la croix gammée
nous oublions
d’être un peu reconnaissants
à nos prédécesseurs
pour ce que leurs actions
pourraient nous aider encore
à reconnaître à temps
le forfait infiniment plus grand
que nous préparons aujourd’hui
Dankeschuld
(50 Jahre nach der Machteinsetzung Hitlers)
Viel zu gewohnt
uns vor Entrüstung zu schütteln
über die Verbrechen
der Hakenkreuzzeit
vergessen wir
unseren Vorgängern doch ein wenig
dankbar zu sein
dafür dass uns ihre Taten
immer noch helfen könnten
die ungleich größere Untat
die wir heute vorbereiten
rechtzeitig zu erkennen
Conversation avec un survivant
Qu’as-tu fait jadis
que tu n’aurais pas dû faire ?
« Rien »
Qu’est-ce que tu n’as-tu pas fait
que tu aurais dû faire ?
« Des choses et d’autres
ceci et cela :
certaines choses »
Pourquoi ne les as-tu pas faites ?
« Parce que j’avais peur »
Pourquoi avais-tu peur ?
« Parce que je ne voulais pas mourir »
D’autres sont-ils morts
parce que tu ne voulais pas mourir ?
« Je crois
que oui »
As-tu autre chose à ajouter
sur ce que tu n’as pas fait ?
« Oui : Te demander
Qu’aurais-tu fait à ma place ? »
Cela je ne le sais pas
et je ne peux pas te juger.
Il n’y a qu’une chose que je sache :
Demain aucun d’entre nous
ne restera en vie
si nous aujourd’hui
recommençons à ne rien faire
Gespräch mit einem Überlebenden
Was hast du damals getan
was du nicht hättest tun sollen ?
„Nichts“
Was hast du nicht getan
was du hättest tun sollen ?
„Das und das
dieses und jenes :
Einiges“
Warum hast du es nicht getan ?
„Weil ich Angst hatte“
Warum hattest du Angst ?
„Weil ich nicht sterben wollte“
Sind andere gestorben
weil du nicht sterben wolltest ?
„Ich glaube
ja“
Hast du noch etwas zu sagen
zu dem was du nicht getan hast ?
„Ja : Dich zu fragen
Was hättest du an meiner Stelle getan ?“
Das weiß ich nicht
und ich kann über dich nicht richten.
Nur eines weiß ich :
Morgen wird keiner von uns
leben bleiben
wenn wir heute
wieder nichts tun
Erich Fried, Es ist was es ist, Liebesgedichte Angstgedichte Zorngedichte, traduction inédite Chantal Tanet et Michael Hohmann.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : erich fried, es ist was es ist | Facebook |
26/11/2022
Erich Fried, Es ist was es ist
Car
Car
il y a l’alpha
et l’oméga
Car au commencement
Car j’ai faim
Car j’ai peur
Car je suis là
Car je veux vivre
Car j’aime
Car à mi-chemin
demande
« Encore combien de temps ? »
Car à mi-chemin
demande
« A quoi bon tout ça ?»
Car à la fin
ne dira pas même
« Eh bien meurs donc »
Denn
Denn
ist das Alpha
und das Omega
Denn am Anfang
Denn ich habe Hunger
Denn ich habe Angst
Denn ich bin da
Denn ich will leben
Denn ich liebe
Denn in der Mitte
fragt
„Wie lange denn noch ?“
Denn in der Mitte
fragt :
„Wozu denn das alles ?“
Denn am Ende
wird nicht einmal sagen
„So stirb denn
Les derniers seront les premiers
Parce que les choses passées ne sont pas encore
précisément examinées, il se tourne
l’homme de conscience
vers les choses qui les ont précédées
Mais l’homme sans conscience
se sert déjà de poignées artificielles
pour se saisir des choses à venir
et de celles qui suivront
L’homme de conscience
a découvert entretemps
que la clé
qui donne accès aux choses qui les ont précédées
se trouve dans des choses antiques
qui existaient encore avant ces choses
ou plus profondément encore
au sein de leurs conditions préexistantes
Mais l’homme sans conscience
fait des progrès plus rapides. Aussi
se pourrait-il que nous tous
et également l’homme de conscience
il nous conduise
aux dernières extrémités, bien avant
que l’homme de conscience
ait remonté
aux causes premières
jusqu’aux ultimes racines du mal
qui avait rendu sans conscience
l’homme sans conscience
Die Letzten werden die Ersten sein
Weil die vorigen Dinge noch nicht
genau untersucht sind, wendet
sich der Gewissenhafte
den vorvorigen zu
Doch der Gewissenlose
übt schon Kunstgriffe, um die nächsten
und übernächsten Dinge
in den Griff zu bekommen
Der Gewissenhafte
hat mittlerweile entdeckt
dass der Schlüssel
zu den vorvorigen Dingen
in älteren Dingen liegt
die noch vor diesen Dingen waren
oder noch tiefer in deren
Vorvorbedingungen
Der Gewissenlose aber
macht raschere Fortschritte. Deshalb
wird er vielleicht uns alle
und auch den Gewissenhaften
schon zu den letzten Dingen
gebracht haben, lange bevor
der Gewissenhafte
die tiefsten Wurzeln des Übels
das den Gewissenlosen
gewissenlos werden liess
zurückverfolgt hat
bis zu den ersten Dingen
Erich Fried, Es ist was es ist, Liebesgedichte Angstgedichte Zorngedichte, traduction inédite Chantal Tanet et Michael Hohmann.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : erich fried, es ist was es ist, liebesgedichte angstgedichte zorngedichte | Facebook |
13/06/2011
Erich Fried, Es ist was es ist (C'est ce que c'est), traduction C. Tanet, M. Hohmann
Sterbeleben
Ich sterbe immerzu
und immeroffen
Ich sterbe immerfort
und immer hier
Ich sterbe immer einmal
und immer ein Mal
Ich sterbe immer wieder
Ich sterbe wie ich lebe
Ich lebe manchmal hinauf
und manchmal hinunter
Ich sterbe manchmal hinunter
und manchmal hinauf
Woran ich sterbe?
Am Haß
und an der Liebe
an der Gleichgültigkeit
an der Fülle
und an der Not
An der Leere einer Nacht
am Inhalt eines Tages
immer einmal an uns
und immer wieder an ihnen
Ich sterbe an dir
und ich sterbe an mir
Ich sterbe an einigen Kreuzen
Ich sterbe in einer Falle
Ich sterbe an der Arbeit
Ich sterbe am Weg
Ich sterbe am Zuvieltun
und am Zuwenigtun
Ich sterbe so lange
bis ich gestorben bin
Wer sagt
daß ich sterbe?
Ich sterbe nie
sondern lebe
Le vivre mourir
Je meurs toujours et sans cesse
et toujours à découvert
Je meurs toujours et toujours
et toujours ici
Je meurs toujours une fois
et toujours chaque fois
Je meurs continûment
Je meurs comme je vis
Parfois j’escalade la vie
et parfois je la dégringole
Parfois je dégringole la mort
et parfois je l’escalade
De quoi je meurs ?
De la haine
et de l’amour
de l’indifférence
de l’abondance
et de la misère
Du vide d’une nuit
du contenu d’un jour
de nous toujours une fois
et encore toujours d’eux
Je meurs de toi
et je meurs de moi
Je meurs de quelques croix
Je meurs dans un piège
Je meurs du travail
Je meurs du chemin
Je meurs du trop à faire
et du trop peu à faire
Je meurs aussi longtemps
que je ne suis pas mort
Qui dit
que je meurs ?
Jamais je ne meurs
bien au contraire je vis
Erich Fried, Sterbeleben, extrait de Es ist was es ist (Verlag Klaus Wagenbach, Berlin, 1983). Traduction inédite de Chantal Tanet et Michael Hohmann.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : erich fried, es ist was es ist, sterbeleben, traduction, chantal tanet, michael hohmann | Facebook |