21/08/2016
Michel de M'Uzan, Les chiens des rois
Le cerf-volant
Les hommes se sont écartés, ils parlent et se frappent les mains, s’interpellent et se répondent. Ils sont nombreux, ils ne voient pas l’enfant blond, tout seul sur la plage. Le cerf-volant est parti, l’enfant est resté. Le fil s’est brisé, l’enfant a tendu les bras. Le cerf-volant était blanc avec une croix jaune au milieu, il montait et personne ne bougeait. L’enfant criait, il voyait encore la tache claire qui fuyait, très haut dans le ciel, au-dessus des arbres, de la terre et de la mer. Le cerf-volant est parti et l’enfant s’est couché sur le sable mouillé. Les hommes se sont avancés et ne se sont pas arrêtés. Ils ont dépassé les pleurs, ils marchaient et le bruit des voix et des pas s’est mêlé au crissement de dix doigts sur le sable. Un vent froid a soufflé, l’enfant s’est levé et des mots étrangers lui sont montés aux lèvres.
Michel de M’Uzan, Les chiens des rois, collections Métamorphoses, Gallimard, 1954, p. 138-139.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, MARGINALIA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michel de m'uzan, les chiens des rois, enfant, cerf-volant, absence | Facebook |
21/03/2013
Georges Limbour, Soleils bas
Les bergers sans moutons
à Max Jacob
Nous sommes d'un pays
qui n'a pas d'arbres fruitiers
Nos mains ont pressé le lait
du sein de la cornemuse
Nos cœurs saignent dans les mûriers
pourquoi nos sœurs sont-elles laides
si les légendes nous abusent
Nous clouons les papiers blancs
des bouquetières du midi
sur les croix des cerfs-volants
aux migrations indéfinies
À ces cœurs mal équilibrés
toute la plaine se suspend
en avant-garde ils guideraient
des peuplades d'ambulants
Herbes rases séchées sans même de troupeau
Vous fleurissez très haut vos cœurs vains de papier
Trainant comme un regret leur queue de bigoudis
qui n'ont dans le sommeil frisé de chevelure
en ce morne pays rongé de roussissures.
Notre vie est penchée ainsi que des fumées
nos gestes de sonneurs n'énervent pas le ciel
Tels des bouquets noyés nos cerfs-volants dérivent
et le monde paraît les suivre.
Georges Limbour, Soleils bas, suivi de poèmes, de
contes et de récits (1919-1968), préface de Michel Leiris,
Poésie / Gallimard, 1972, p. 23-24.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : georges limbour, soleils bas, légende, cerf-volant, berger | Facebook |