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01/04/2014

Marie Étienne, extraits de Un enfant qui s'endort

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Dans l'autobus. Extérieur jour

 

Une femme corpulente, cheveux décolorés en jaune, s'entretenait sur son portable.

Elle avait commencé, déjà, sur le trottoir, elle continuait, assise, en parlant fort. Ce qui te déplaisait.

Jusqu'au moment où renonçant à te fermer à ses propos, tu écoutais.

Mais je te dis, répétait-elle, de prendre le brillant, moi je m'en fous, prends-le, ce n'est pas important.

Tu imagines, à l'autre bout, une autre femme, dans un appartement silencieux, cherchant, trouvant, et sur le point de s'emparer de la bague au brillant.

L'autre résiste, à ce qu'il semble, fait des manières.

Mais puisque je te dis que je m'en fous, que pour moi, l'important, c'est de l'avoir accompagnée jusqu'à la fin, de lui avoir fermé les yeux, puis d'avoir embrassé ses paupières. Tu comprends ?

Cela durait, durait, cette mort étalée dans le bus, ce chagrin dévoré de tendresse, l'inanité de ce diamant, stupide, énorme, dans un appartement déserté par la mort.

 

Une chambre. Intérieur. Nuit puis jour.

 

Un homme grand et beau, pareil à l'homme du café où Jude et toi, la veille, vous êtes arrêtés au retour des jardins de la gare, s'allonge près de ton corps, te touche te caresse sans toutefois entrer dans ton intimité.

Estimant que ses gestes et les circonstances ne sont pas dépourvues d'agrément, tu consens aux hommages.

Le jour venu, c'est presque un drame. Quelque chose de la nuit a filtré, s'est répandu comme un nuage de volcan islandais, les langues vont bon train, le scandale grossit sans pour autant vous désigner.

Tu écoutes la rumeur, pas vraiment concernée. C'est cet état d'esprit qu'il te faudrait examiner.

 

Marie Étienne, extraits de Un enfant qui s'endort (inédit), dans Les Carnets d'eucharis, 2014, n°2, p. 56 et 57.

L'Olivier d'Argens, Chemin de l'Iscle, BP 44, 83520 Roquebrune-sur-Argens.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Patrick Beurard-Valdoye, Gadjo-Migrandt

Patrick Beurard-Valdoye, Gadjo-Migrandt, Freud, Dali, vélo, escargot, catalan, spirale

LE VÉLO

penché contre un mur

une ficelle après la selle

une bouillotte en caoutchouc rouge au bout remplie

                                                                                 d'eau

            au dos

            la coquille

            d'un gros escargot

            et le tout dans Elsworthy road

            juste avant la rencontre avec Dali venu en

            quête de saint patron des peintres

 

— il est fou

les Surréalistes maboules

à 95% c'est comme l'alcool —

 

            il croque au bureau

            silence analytique écho

                 à sa parade de vrai catalan fanatique

            crânant

            son article

            regard sur la paranoïa

            il en montre du doigt le titre

 

L'homme Moïse fini hier serait à l'inverse

« roman historique »

 

ses yeux

dévorants

ciblent le haut crâne

or Dali dit qu'il vit Freud à la une en photo

                                                       l'étape à Paris

                                                       sur la terrasse il dégustait

                                                       douze petits gris

 

soudain

l'idée vint

d'un secret morphique

un crâne allure d'escargot

                          cerveau spiralé

                          stream en front voûte de rivière

                          au bord du maelström

                          tête freudienne en tourbillon

                                 avec roue

                                 de petit vélo

 

Patrick Beurard-Valdoye, Gadjo-Migrandt, Flammarion, 2014, p. 211-212.