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12/01/2023

Stephen Romer, Ermenonville

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              Ermenonville

 

Ce fut ainsi jadis, ça l’est encore aujourd’hui,

le temps d’un après-midi,

 

à bicyclette, roues ensablées

dans le désert d’Ermenonville

 

où les filles du feu font flotter leurs spectres

au fond vague des avenues.

C’étaient elles les démons de la mélancolie

là parmi les fougères,

 

elles les sirènes qui m’ont rendu fou.

Pour garder la tête froide cette fois-ci, j’ai ramassé

 

une pomme de pin que j’ai mise dans ma poche

tandis que tu pédalais devant moi

 

sur le chemin qui va à Mortefontaine

où Corot a peint en taches argentées,

 

au-delà du puits sur la route

à l’eau calme et claire.

 

Cette fois-ci les yeux étaient les tiens

seuls, doux et baissés,

 

croisant les miens par-delà les années

 avec tes cheveux en chignon, ton dos bien droit,

 

un port de reine,

comme ce jour d’antan où je t’aperçus,

sur ton vélo, papoose sanglé derrière toi,

sortant résolument de ma vie.

 

Stephen Romer (né en 1957), Ermenonville, dans Anthologie de poésie britannique au tournant du XXIe siècle,édition bilingue, traduction Martine De Clercq et Jacques Darras, Poésie/Gallimard, 2022, 560, p.351 et 353.

 

 

 

 

07/07/2020

Arno Schmidt, Scènes de la vie d'un faune

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Dans le hangar : depuis peu les vélos doivent être munis d’un feu rouge et d’un numéro d’immatriculation : comme si les accidents étaient provoqués par les vélos ! je proposerais une autre solution : interdiction de tout véhicule équipé d’un moteur lui permettant d’atteindre plus de 40 km/h. On aurait enfin la paix. (Mais il y a sans doute un fabricant d’ampoules qui siège au Reichstag : c’est l’explication la plus plausible.)

 

Arno Schmidt, Scènes de la vie d’un faune, traduction Jean-Claude Hémery, Christian Bourgois, 1991, p. 33.

01/04/2014

Patrick Beurard-Valdoye, Gadjo-Migrandt

Patrick Beurard-Valdoye, Gadjo-Migrandt, Freud, Dali, vélo, escargot, catalan, spirale

LE VÉLO

penché contre un mur

une ficelle après la selle

une bouillotte en caoutchouc rouge au bout remplie

                                                                                 d'eau

            au dos

            la coquille

            d'un gros escargot

            et le tout dans Elsworthy road

            juste avant la rencontre avec Dali venu en

            quête de saint patron des peintres

 

— il est fou

les Surréalistes maboules

à 95% c'est comme l'alcool —

 

            il croque au bureau

            silence analytique écho

                 à sa parade de vrai catalan fanatique

            crânant

            son article

            regard sur la paranoïa

            il en montre du doigt le titre

 

L'homme Moïse fini hier serait à l'inverse

« roman historique »

 

ses yeux

dévorants

ciblent le haut crâne

or Dali dit qu'il vit Freud à la une en photo

                                                       l'étape à Paris

                                                       sur la terrasse il dégustait

                                                       douze petits gris

 

soudain

l'idée vint

d'un secret morphique

un crâne allure d'escargot

                          cerveau spiralé

                          stream en front voûte de rivière

                          au bord du maelström

                          tête freudienne en tourbillon

                                 avec roue

                                 de petit vélo

 

Patrick Beurard-Valdoye, Gadjo-Migrandt, Flammarion, 2014, p. 211-212.