27/03/2020
Italo Svevo, Écrits intimes
Aujourd’hui, je suis passé devant la fenêtre d’un rez-de-chaussée. IL y avait un chat qi regardait la ville avec l’attention objective et indifférente qui est la qualité de ce petit félin au repos. Ce chat me donna envie de rire. Blanc et jaune, il avait autour du nez une tache plus sombre, qui était peut-être causée par de la saleté, ce qui lui conférait une apparence de dédain. Ce petit nez semblait se tordre de dégoût. Mais un animal à ce point inerte ne doit pas exprimer un tel dégoût. Je lui dis : « Stupide animal ! »
Il me regarda et ne donna pas d’autre réponse. Mais il n’aurait pas eu besoin d’autre chose, parce qu’avec ce geste, il avait concentré sur moi tout cet ennui qu’il avait manifesté au quartier tout entier.
Mais, derrière lui, se dressa la petite tête d’un enfant de douze ans et, de sa fenêtre sombre, il me retourna mon insulte : « C’est toi qui es stupide, et pas ma bête. »
Et j’aimai cet enfant, qui protégeait son chat.
Italo Svevo, Écrits intimes, traduction Mario Fusco, Gallimard, 1973, p. 115.
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