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17/07/2017

Sereine Berlottier, "récit"

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« récit »

 

I

 

de vraie persécution

je recommence par la fin le récit

 

une première boucle

dans le soleil

loin de la fenêtre

 

ligotée par les veines

à quoi ressemble

 

ici encore, en séparé

malgré le murmure

 

on pourrait croire que ce ne sont pas des larmes, mais une sécrétion mystérieuse, opaque, l’envers des images captives dans la concrétion, brusquement, suinterait

 

un long chemin

il faut dessiner tout le paysage, et l’ayant dessiné le marteler de ses poings, miette après miette, et l’ayant martelé de ses poings, miette après miette, moudre la terre avec ses dents

ne pas retenir

 

[ …]

 

Sereine Berlottier, « récit », dans L’étrangère, n° 43-44, 2016, p. 51-52.

01/10/2015

Sereine Berlottier, Louis sous la terre

                                       LanuitRemue_-_03.jpg

[..] Où tu embarques, comment tu débarques, qui te rejoint, combien de temps cela dure, ce qu’il y a dans tes caisses, tes vêtements, tes livres, ton violon, quelques photographies de famille, des partitions, plusieurs albums d’images, un chapeau, des cahiers, quelques lettres, plusieurs cravates, du linge fin, pas grand-chose donc, quelques uniques brodées que ta mère a voulu offrir à ta future épouse, des bijoux, une montre ancienne, des gouttes contre les maux d’estomac, des crayons, une boite de pastels, un compas, des comprimés contre le mal de gorge, des mouchoirs, un guide Baedeker, un dictionnaire, une série de cartes postales de Morges, quelques dessins, plusieurs gommes, de l’encre de Chine, une malle ou plusieurs, comment savoir, si tu es seul, si tu dors, si tu veilles sur le grand bateau, si tu regardes les vagues, le soleil, les oiseaux, si tu respires le vent, on ne sait pas non plus s’il y a une salle de bains, si l’on s’embrasse parfois, si tu as peur, si tu te promènes sur le pont la nuit, si tu laces des vœux dans le ciel, si tu parles à des inconnus, et pour la mer, de quelle manière, ni que les mots qui te viendraient pour la peindre, et si tu peins, si tu dessines cela nous échappe aussi, ou si tu comptes les heures, les jours, si tu penses au déluge, si tu regrettes, si tu crie en dormant, si tu regardes le corps nu de M, si tu comptes les canots de sauvetage, si tu penses déjà au retour, si tu as soif , si ton corps est trempé de sueur, si tu bois des alcools trop forts, si tu oublies parfois de manger, si tu regardes les ciels, si tu les dessines avec répugnance, avec ennui, avec application, s’il t’arrive de songer à une œuvre entièrement nuageuse, une œuvre dépourvue de visages, dédiée au vent, à l’efficacité, au disparu, qu’un oiseau froisserait d’une aile vivante.

 

Sereine Berlottier, Louis sous la terre, Argol, 2015, p. 22-24.

05/07/2011

Sereine Berlottier, Attente partition

 

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12 janvier

 

tu lui raconteras l’histoire

d’un cheval qui t’a manqué

et que tu n’as pas vu mourir

 

tout est confus

le cheval est mort dans un champ de neige

son poil avait la couleur de l’ambre

 

mais comment faire pour revenir

à ce point précis où la voix se tapisse de failles

et bruisse un vent de jadis

 

vers de petit cheval qui t’appartenait

n’était à toi que sous le poids d’une promesse

jetée à dix ans

 

24 juin

quelque part une lutte s’éteint

feu assoupi

partagé dans le noir

quand sous la lumière

seuls

chauffés

ceux qui tremblent

ceux qui caressent

ceux qui fondent

dans la lumière

ceux qui déglutissent avec une râpe

plantée au fond

ceux dont la main

crispée sur le pantalon

étreint une main invisible

ceux qui sont ailleurs ou bien ceux

qui sont restés sur le bord et ceux

que la tristesse d’avoir failli

accable ou qui cachent

en marchant sur les pavés une joie

imprécise à l’odeur de pomme salée et ceux

qui veulent mourir

dans pas longtemps

sans savoir qu’ils sont assis près de

celui qui a déjà choisi une date

ou encore (différemment)

 

Sereine Berlottier, Attente, partition, éditions Argol, 2011, p. 101-102 et 138-139.