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17/12/2019

Victoria Xardel, J'ai les moyens

                                 J’ai les moyens

 

Lorsque la glace cède tous les excréments refont surface

et flics et émeute en viennent à se présupposer réciproquement.

Après avoir châtré une écrevisse je lui envie sa dextérité à mourir.

Kenneth Rexroth soutient que les carcasses de voitures

sont un problème écologique. Vieux con.

Ce qui me rend profondément pessimiste

c’est qu’on ne parle bien que de ce qui est en train de disparaître.

Tu casses les objets par nonchalance. Ton goût pour le désordre

n’est qu’une autre forme de maîtrise.

Une prédilection pour les hypothèses extravagantes

et, comme telles, inattaquables, les maniaques de l’appropriation,

la construction de systèmes mélancoliques.

 

Victoria Xardel, dans Senna Hoy, n° 1, décembre 2019, np.

01/10/2015

Sereine Berlottier, Louis sous la terre

                                       LanuitRemue_-_03.jpg

[..] Où tu embarques, comment tu débarques, qui te rejoint, combien de temps cela dure, ce qu’il y a dans tes caisses, tes vêtements, tes livres, ton violon, quelques photographies de famille, des partitions, plusieurs albums d’images, un chapeau, des cahiers, quelques lettres, plusieurs cravates, du linge fin, pas grand-chose donc, quelques uniques brodées que ta mère a voulu offrir à ta future épouse, des bijoux, une montre ancienne, des gouttes contre les maux d’estomac, des crayons, une boite de pastels, un compas, des comprimés contre le mal de gorge, des mouchoirs, un guide Baedeker, un dictionnaire, une série de cartes postales de Morges, quelques dessins, plusieurs gommes, de l’encre de Chine, une malle ou plusieurs, comment savoir, si tu es seul, si tu dors, si tu veilles sur le grand bateau, si tu regardes les vagues, le soleil, les oiseaux, si tu respires le vent, on ne sait pas non plus s’il y a une salle de bains, si l’on s’embrasse parfois, si tu as peur, si tu te promènes sur le pont la nuit, si tu laces des vœux dans le ciel, si tu parles à des inconnus, et pour la mer, de quelle manière, ni que les mots qui te viendraient pour la peindre, et si tu peins, si tu dessines cela nous échappe aussi, ou si tu comptes les heures, les jours, si tu penses au déluge, si tu regrettes, si tu crie en dormant, si tu regardes le corps nu de M, si tu comptes les canots de sauvetage, si tu penses déjà au retour, si tu as soif , si ton corps est trempé de sueur, si tu bois des alcools trop forts, si tu oublies parfois de manger, si tu regardes les ciels, si tu les dessines avec répugnance, avec ennui, avec application, s’il t’arrive de songer à une œuvre entièrement nuageuse, une œuvre dépourvue de visages, dédiée au vent, à l’efficacité, au disparu, qu’un oiseau froisserait d’une aile vivante.

 

Sereine Berlottier, Louis sous la terre, Argol, 2015, p. 22-24.