26/07/2018
Valérie Rouzeau, Quand je me deux
Trente-six chandelles
De quoi donc les rêves sont-ils faits
Quelqu’un m’a-t-il toujours aimée
Ai-je jamais aimé bien quelqu’un
Une fois deux fois trois moins quatre rien
J’ai le vin gai et l’âme assez
Mais tanguer ça n’est pas facile
Élégamment trente-six chandelles
Pourtant elle tourne ce fut dit clair
La tête en valse qui rit envourne
Combien de tours encore combien
Encore une danse drôle de musette
Avec du soleil à ma fête
Aux ailes du nez qui vend la mèche
Quoi souffle nos flammes notre ivresse
Ne sens-tu passer quelque chose
Qu’on délabre amour candélabre
Ton œil de poisson mort éteint
Valérie Rouzeau, Quand je me deux, Le temps qu’il fait,
2009, p. 80.
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07/03/2018
Valérie Rouzeau, Quand je me deux
Carotte
C’est toto biographique l’âne dans essentiellement
Ça dit je parce que c’est ainsi quand tu parles
Que longtemps tut ‘es couché de bonne heure longtemps
Tu es le ténébreux le veuf l’inconsolé
Tu inventas la couleur des voyelles l’i rouge
Et tu penses donc tu es et puis voici ton cœur
Plein de larmes il ne faut pas secouer
Tu accuses dans l(Aurore tu as fait un grand rêve
Très haut amour s’il se peut que tu meures
Toi délaissé comme le vent te révèle
Tu devras t’expliquer avec les étoiles oui
Tes oreilles elles sont bien à toi
Puis tes chiffres ne sont pas faux
Tu écrivais dans un grenier où la neige…
Demain dès l’aube demain tu partiras
Tu te souviens
Tu entendis sonner les trompettes d’artillerie
Tu commences ton très triste dit
Pour avancer sans potager je me tire
La carotte ce sont les vers du nez
C’est toto biographique l’âne dans l’enraciné
Pissent mes feuilles ne pas trop faner
Valérie Rouzeau, Quand je me deux, Le temps qu’il fait, 2009, p. 92-93.
Annonce d'une revue amie
La Revue Nu(e)
Fondée par Béatrice Bonhomme et Hervé Bosio en 1994, la revue NU(e) a publié 66 numéros sur la poésie contemporaine. Chaque numéro, véritable dossier de recherche consacré à un poète particulier, comprend un entretien, des textes de création inédits, des articles critiques, des interventions plastiques et une bibliographie exhaustive. La couverture de la revue a été dessinée par la plasticienne Sonia Guerin.
La revue NU(e) frappe d’abord par ses couleurs (le bleu de la méditerranée qui s’est ensuite décliné dans les couleurs de l’arc-en-ciel) et par son titre qui marque une volonté d'aller vers la nudité, le dénuement, le dépouillement. Le (e) permet aussi de souligner la présence trop souvent négligée de la femme dans la poésie contemporaine. NU(e) est également l'anagramme de une, à la fois singularité et convergence. C’est ainsi que NU(e) défend une parole de liberté contre toute caste, cénacle, chapelle, obédience, mot d'ordre. Elle refuse de limiter la poésie à des débats dépassés. NU(e) veut lutter contre le sectarisme pour accueillir la différence, les diversités. Elle voudrait faire entendre une polyphonie plutôt qu'une polyphobie, des résultats d'écriture plutôt que des diktats théoriques, des chocs de styles plutôt qu'un ton unanime. NU(e) est parole laissée aux « mineurs » et minoritaires de la poésie, mais inversement occasion, pour les « grands auteurs », de s’exprimer en confiance. La revue a ainsi créé un style qui permet, d’un numéro à l’autre, au fur et à mesure, de faire apparaître un véritable panorama de la poésie contemporaine, et cela sans exclusion, dans un souci de partage. Elle recueille ainsi des approches différentes qu’elle fait se croiser, se rencontrer, se mêler, se tutoyer, passant d’une voix à l’autre, dans une volonté de décloisonnement. Son rôle d’ouverture permet qu’elle soit présente dans une relation à d’autres cultures et à d’autres langues. Elle est donc un lieu de fertilité, un lieu d’expérimentation, un lieu de découverte, et participe à la lisibilité d’auteurs connus ou non.
Accordant également une place importante aux arts plastiques et travaillant en collaboration avec des peintres, des graveurs ou des photographes, NU(e) possède une vocation de découverte et joue le rôle d’un laboratoire. Elle constitue un lieu d’artisanat et d’amitié, au sens où l’entend Blanchot, c’est-à-dire « rapport sans dépendance » où entre « toute la simplicité de la vie ». Cette amitié passe par la « reconnaissance de l’étrangeté commune », selon « le mouvement de l’entente ». S’en remettant à Kenneth White : « Éduquez-vous en nudité. Orphée était nu sur une pierre », NU(e) souhaite marquer sa volonté d’aller vers la nudité, vers l’essentiel, tout en privilégiant une sobriété exigeante.
Après 24 ans de publication papier, la revue souhaite passer au numérique pour être encore plus accessible en proposant gratuitement les nouveaux numéros qui paraîtront désormais en ligne. Florence Trocmé, ayant accepté de l’accueillir sur son site, NU(e) continuera, sous cette nouvelle forme à paraître 3 fois par an.
La liste des anciens numéros, ainsi que tous les sommaires et quelques extraits, resteront accessibles sur le site de la revue NU(e) : revue-nue.org. Les numéros papier toujours disponibles pourront être commandés sur paypal ou par courrier à l’adresse de la Revue, 29 avenue Primerose, Nice 06000.
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24/01/2013
Valérie Rouzeau, Quand je me deux
Répétition
On ne connaît pas le cœur des gens
Il est tant mal visible que parfois
On cogne dedans
Quelle misère de prendre le train
Quand au bout il n'y a personne rien
On ne sait pas l'avis des anges
Non plus que des moulins à eau
On se sert un grand verre de vent
De source de pluie des yeux
On ignore comment vivre comme eux
On se sert un grand verre de vin
Dans une maison avec enfants avenir chien
Le quai fait des bruits de chaussures
Le quai fait des bruits de valises à roulettes et des
bruits d'avant
Le quai est vide vide vide on bute dans l'air
Pardon messieurs dames j'ai cru à un nuage
Vous êtes innombrables qui ne m'êtes personne
Je suis innombrable et comme vous presque rien
Prenons donc un pot amical au lieu d'un pot au noir
d'un mauvais coup
On ne connaît pas d'autre cœur dans le noir que le
nôtre et encore
Ni dans le jour non plus alors à la bonne vôtre
Et nous débarquerons sous le soleil battant.
Valérie Rouzeau, Quand je me deux, Le temps qu'il fait,
2009, p. 45-46.
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