19/03/2023
Jean Tardieu, Margeries
Insomnie
Tard, très tard, je veille les yeux fermés,
je vais dans ma nuit, je vais, je rame
entouré de formes invisibles
douces ou terribles, que je tiens
comme un enchanteur mille démons
et parfois je fais surgir de l’ombre
un visage, un feu ou une fleur
nés pour un instant, nés pour mourir,
car j’ai toujours mon fidèle abîme
où replongeront toutes figures.
La fleur tourne au vent, me dit adieu,
un pâle rayon sur sa corolle,-
et le précipice l’engloutit.
Jean Tardieu, Margeries,
Gallimard, 1986, p. 222.
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28/04/2018
Gisèle Prassinos, La vie la voix
Aux abords de la ville les maisons sont debout
Ici elles sortent à peine du blanc.
La route sous les pieds qui descend
le double rayon des roues.
Bâtons sur la page les jardins morts.
La manche autour de mon cou
pour le bonheur.
Les doigts sans réponse
fleuriront au retour.
Le pont
le parapet
le précipice.
La tête bien sculptée sort du magasin
dans ses bras une jacinthe se compare
sa bouche est le verre où je ne puis boire
pour elle on choisit le carmin
et le sucre des soirs.
L’idée du précipice
le parapet
le pont courant dans la nuit
le dernier funambule
vers la magie.
Gisèle Prassinos, La vie la voix, Flammarion, 1978, p. 55.
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