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19/03/2023

Jean Tardieu, Margeries

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                  Insomnie

 

Tard, très tard, je veille les yeux fermés,

je vais dans ma nuit, je vais, je rame

entouré de formes invisibles

douces ou terribles, que je tiens

comme un enchanteur mille démons

et parfois je fais surgir de l’ombre

un visage, un feu ou une fleur

nés pour un instant, nés pour mourir,

car j’ai toujours mon fidèle abîme

où replongeront toutes figures.

La fleur tourne au vent, me dit adieu,

un pâle rayon sur sa corolle,-

et le précipice l’engloutit.

 

Jean Tardieu, Margeries,

Gallimard, 1986, p. 222.

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