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29/06/2024

Polina Barskova, Chaque ville ne sera plus jamais mienne

Polina Barskova, Chaque ville ne sera plus jamais mienne

p.p.s.

 

Dois-je façonner

un petit pot

pour y loger des boyaux

en déloger des vermisseaux

pour la beauté de mon pays

de ma pauvre terre natale

de ma terrible terre natale ?

Tout ce qui s’égosille

tout ce qui s’extasie

je le mêle au corps de glaise

pour le faire couver sous la braise

pour qu’on mange et boive la glaise

alors que moi je mène le jeu.

 

Moi, je dois brûler en eunuque potelé

sur sa tendre poupée brisée ;

je dois hurler en éclisse céleste

mais sans un bruit, sans mots ;

flâner en songe sur la Fontanka,

marquer d’une plaie sordide

le grand étranger de la Jdanovka,

rêver de pierre tombales…

 

Puis — secret hors de ma portée ­­—

garder, tel Bachmatchkine,

un pont caduc par une morne nuit…

 

Peut-être

Peut-être

Peut-être

Être.

Polina Barskova, Chaque ville ne sera plus jamais mienne, traduction du russe Eva Antonniko, dans La Revue de belles-lettres, 2024-I, p. 112.

 

 

 

 

27/06/2024

Polina Barskova, Chaque ville ne sera plus jamais la mienne

polina_barskova.jpg

p.p.s.

 

Dans un vase, un pot pétri

par moi vaille que vaille

pourrai-je glisser des entrailles

et ayant ôté les vers

de ma si belle terre

de ma malheureuse patrie

de ma terrible patrie ?

Tout ce qui chantait

tout ce qui se pâmait

le glisser dans un corps de glaise

pour que ça roule et couve à l’aise –

pour que d’argile il se nourrisse

sans que mes doigts s’immiscent.

 

À moi tel un gras eunuque le flamber

au-dessus de la poupée tendre et brisée

de hurler ainsi qu’un pieu céleste

mais sans un mot un son un geste

en songe errer le long de la Fontanka,

avec la klanovka et sa plaie souillée

griffer le granit venu d’ailleurs

— griffer aux tombes des rêves ailés —

 

Comme un secret dont rien n’affleure,

comme Bachmatchkine la nuit vient veiller

sur un pont vétuste et fragile…

 

Sans qui vive

Sans qui vive

Sans qui vivre

Vivre

 

Polina Barskova, Chaque ville ne sera plus jamais la mienne,

traduction du russe Henri Abril, dans La Revue de belles-lettres,

2024-I, p. 113.