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23/02/2015

Andrea Zanzotto, Idiome, traduction Philippe Di Meo

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                    Petits métiers

 

Comment puis-je oser

vous appeler ici, vous faire signe de la main.

Une main qui n'est plus que son ombre

avare et mesquine,

et d’ailleurs une serre, mais tendre comme de la mie de pain.

Et pourtant, quelque chose maintenant la soutient,

je ne sais s’il s’agit d’une crampe ou d’une force :

pour autant qu’elle vaille, elle est toute vôtre,

vous lui donnez-lui la force de vous appeler.

Donnez-lui une plume qui ne se torde,

faites que sa pointe ne trébuche sur la feuille.

Il me semble n’avoir rien à écrire

pour commencer ce télex

qui doit tout le néant traverser

(la brûlante difficulté

qui brûle comme soufre,

qui corrode, étourdit.)

Mais j’essaierai de suivre la trace, au moins, d’un amour —

en dehors, là dans l’obscurité

profonde des prés du passé.

Ainsi

.....................................

[                                          ]

 

Ainsi sous la cheminée presque éteinte,

si un garçonnet regardait

à travers cette minuscule petite fenêtre aveugle

vers le soir encore claire

parmi la suie

(ah quel beau bleu, quel argent,

quels frissons d’hiver éblouissants

de neige et de lumière à cette petite fenêtre) :

qui passait donc, qui frappait

sur cette vitre, et disparaissait

je ne sais si boitant ou dansant ;

grands-mères, était-ce eux tous, les gens de votre temps

avec leur faim de chicorées, avec leur soif

de piquette, avec des travaux qui

leur avaient tordu toute la figure

jusqu’à presque en modifier la nature ?

Mais avec moi, garçonnet, quels joyeux lurons

et que de bonne humeur, et toujours bons...

Et je les vois, me semble-t-il, faire turlututu

cligner de l’œil dans ma direction, rire subtilement, puis me   dire  salut...

 

Andrea Zanzotto, Idiome, traduit de l’italien, du dialecte haut-trévisan et présenté par Philippe Di Meo, Corti, 2006, p. 145, 147 et 149.

12/10/2014

Andrea Zanzotto, Idiome, traduction Philippe Di Meo

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                             Petits métiers

 

Comment puis-je oser

vous appeler ici, vous faire signe de la main.

Une main qui n'est plus que son ombre

avare et mesquine

et d'ailleurs une serre, mais tendre comme de la mie de pain.

Et pourtant, quelque chose maintenant la soutient,

e ne sais s'il s'agit d'une crampe ou d'une force ;

pour autant qu'elle vaille elle est toute vôtre,

et vous donnez-lui la force de vous appeler.

Donnez-lui une plume qui ne se torde,

faites que sa pointe ne trébuche sur la feuille.

Il me semble n'avoir rien à écrire

pour commencer ce télex

qui doit tout le néant traverser

(la brûlante difficulté qui brule comme soufre,

qui corrode, étourdit. )

Mais j'essaierai de suivre la trace, au moins, d'un amour —

en dehors, là dans l'obscurit&

profonde des prés du passé.

Ainsi

............................................................

 [...]

 

 

                                 Mistieròi

 

Come elo che posse 'ver corajo

de ciomarve qua, de farve segno co la man.

No man che no l'é pi de la só ombria

cagnina e caía.

anzhi 'na sgrifa, ma tèndra 'fa molena.

Epuro ades calcossa la tien sú.

no so se 'n sgranf o se 'na forzha ;

par quel che l'é, la é tuta vostra,

e voi dèghe l'polso par ciamarve.

Dèghe 'na pena che no la sa schinche,

fè che la ponta sul sfój no la se inciónpe.

Me par de no 'ver gnent da méter-dó

par scuminzhiar 'sto telex

che tut al gnent bisogna che 'l traverse

(tut al gran seramént

che 'l brusa come solfer

che l'incaróla e l'intrunis).

Ma proarò la trazha, almanco, de 'n amor —

fora par là inte 'l scur

orbo dei pra del passà.

Cussì

..................................................

[...]

 

Andrea Zanzotto, Idiome, traduit et présenté par Philippe Di Meo, Corti, 2006, p. 145-147 et 144-146.