14/12/2020
Edmond Jabès, La Clef de voûte
Nous sommes invisibles
Quant tu es loin
il y a plus d’ombre
dans la nuit
il y a
plus de silence
Les étoiles complotent
dans leurs cellules
cherchent à fuir
mais ne peuvent
Leur feu blesse
il ne tue pas
Vers lui quelquefois
la chouette lève la tête
puis ulule
Une étoile est à moi
plus qu’au sommeil
et plus qu’au ciel
distant absent
prisonnière hagarde
héroïne exilée
Quand tu es loin
il y a plus de cendres
dans le feu
plus de fumée
Le vent disperse
tous les foyers
Les murs s’accordent
avec la neige
Il était un temps
où je ne t’imaginais pas
où hanté par ton visage
je te suivais dans les rues
Tu passais étonnée à peine
J’étais ton ombre dans le soleil
J’ignorais le parc silencieux
où tu m’as rejoint
Seuls nous deux
rivés à nos rêves
au large de nos paroles abandonnées
Je dors dans un monde
où le sommeil est rare
un monde qui m’effraie
pareil à l’ogre de mon enfance
[...]
Edmond Jabès, La Clef de voûte,
GLM, 1950, p. 25-26.
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07/12/2019
Eugène Savitzkaya, Les couleurs de boucherie
Odorant véhicule apparu, le maî-
tre garçon, conducteur de limon,
parle de debora odorante, le jas-
min apparu, d’herbe envahie de-
bora brûlait ses lotus, dévorait,
colorait sa poupée jaune, morceau
de machine, debout au milieu des
fleurs, au pré et la flamme lé-
chait l’intérieur, l’index, l’ocre
bâton mouillé, parfumé, ogre odo-
rant, méchant. Le pourpre apparu,
l’archer immobile, le doigt vers
la debora mouillée,, morte odorante
et sainte, sa lingerie transper-
cée, le suc sur la paume, et du
giovanni le chalumeau encore au
pot et transparent, humide, petit
pinceau.
Eugène Savitzkaya, Couleurs de boucherie,
Poésie / Flammarion, 2019, p. 154.
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