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25/06/2015

Jean Arp, Jours effeuillés

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Sur le dos ou sur le ventre

 

Le jour est parfois plat.

On a beau faire

on n’arrive pas à s’élever.

Il n’y a personne pour s’élever.

On est forcé de rester plat

sur le dos ou sur le ventre

plat comme une feuille de papier

dans un bloc à écrire.

 

                       *

 

La petite obèse

détrompe ses nains

décroche sa cour.

Elle court elle ronronne

au nom d’une roue.

Elle est à bout.

Les nains s’étonnent.

Leur belle patronne

se décèlerait si vite,

plierait si vite ses cris

pour devenir une grande grenouille

rouge et chaude

donnant du lait ?

Le temps est gris

et mécontents les nains se plient

vivants et crus

et tour suit tour

nuage nuage.

 

Jean Arp, Jours effeuillés, Gallimard, 1966, p. 473, 462.

15/12/2013

Pier Paolo Pasolini, Les ballades de la violence

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              Les ballades de la violence

 

II

Je suis un nain, je ne veux pas le savoir.

Il y a une grandeur, je la fais mienne.

La grandeur est la patrie. Je me glorifie

en elle, pierre tombale sur mon enfer.

Je n'ai pas haine pour l'ennemi — il me répugne.

Démocrate, tu es un nain ! Moi

je sais, moi je possède la lumière — toi, non.

Voilà pourquoi je te promets la pendaison,

conscience sacrilège de mon amour

pour la grandeur que je n'ai pas.

 

XI

Je suis un pauvre, c'est une humiliation.

Je hais la pauvreté et je couve en mon cœur,

traître perfide, la religion de l'Avoir.

J'attends le jour où je serai respecté,

à l'écart des autres, en dehors de l'historie.

Toi aussi, démocrate, tu es pauvre :

pourquoi me prives-tu de mon intime espérance ?

Mais le peuple connaît le danger qui avance :

tu dois être liquidé, toi et tes nouvelles philosophies

nous gardons pour nous l'ignorance.

 

 

II

Io son un nano, e non voglio saperlo.

C'è una grandezza, e in essa mi identifico.

La grandezza è la patria. Mi magnifico

in essa, lapide sopra il mio inferno.

Non ho odio pel nemico, io : ne ho schifo.

Sei un nano, democratico ! Io, io,

io so, io ho la luce : tu no.

Per questo io ti impiccherò,

sacrilega coscienza del mio

amore per la grandezza che non ho.

 

XI

Io sono un povero, e ne sono umiliato.

Odio la povertà, e covo, traditore,

la religione del Possesso in cuore.

Attendo il giorno che sarò rispettato,

fuori dagki aktri, fuori dalla storia.

Anche tu, democratico, sei povero :

perchè mi togli l'interiore speranza ?

Ma il popolo sa il pericolo che avanza :

vai liquidato tu e le tue nuove

filosofie : noi ci teniamo l'ignoranza.

 

Pier Paolo Pasolini, Les ballades de la violence, traduction

Jean-Baptiste Para, dans Europe, mars 2008, n° 947,

"Pasolini", p. 31 et 37, 30 et 36.