17/01/2017
Aimé Césaire, Soleil cou coupé
Marais
Le marais déroulant son lasso jusque là lové autour de son nombril le marais dégoisant les odeurs qui jusque là avaient tissé une épaule avec des aisselles
Le marais défaisant le mauvais œil qui jusqu’à présent lui avait éclairé tant bien que mal le mauvais bouge au fond duquel il entretenait ses mauvaises raisons dans un bocal de sangsues luxueuses réservées au sang des plus illustres têtes couronnées.
et me voilà installé par les soins obligeants de l’enlisement au fond du marais et fumant le tabac le plus rare qu’aucune alouette ait jamais fumé.
Miasme on m’avait dit que ce ne pouvait être que le règne du crépuscule. Je te donne acte que l’on m’avait trompé. De l’autre côté de la vie, de la mort, montent des bulles. Elles éclatent à la surface avec un bruit d’ampoules électriques brisées. Ce sont les scaphandriers des victimes de la réclusion qui reviennent à la surface remiser leur tête de plomb et de verre leur tendresse.
[ …]
Aimé Césaire, Soleil cou coupé, K éditeur, 1948, p. 77.
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30/09/2013
Lorine Niedecker, dans K.O.S.H.K.O.N.O.N.G
Une nouvelle revue : K.O.S.H.K.O.N.O.N.G
dirigée par Jean Daive, Éric Pesty éditeur — n° 1, hiver 2012, n° 2, été 2013.
« Koshkonong est un mot indien Winnebago qui donne son nom à un lac important du Wisconcin. Il signifie au-delà de toutes les olémiques d'hier et d'aujourd'hui :" The Lake we Live on" — Le Lac qui est la Vie. C'est là que Lorine Niedecker est née et a vécu. »
J'ai grandi dans la vase des marais,
algues, presles, saules,
vert tendre, vacarme
d'oiseaux et grenouilles
pour la voir mariée dans le si
riche silence de l'église
la petite esclave blanche
avec sa parure de diamants.
Dans la nef et sous la voûte
le secret satin capte.
Unie, à vie, en charge de
l'argenterie. Possédée.
*
Mariée
dans la nuit noire du monde
pour me blottir
dos à la vie
à l'abri
quelqu'un
Terrée avec cet homme
et ses fusils à longue portée
Nous gisons jambe
dans buffet, tête
dans placard.
Rai de lumière
dans le jour sans oiseaux —
Illettré
Je croyais
qu'il buvait
trop.
Je dis
mariée
et non enterrée
Je croyais —
Lorine Niedecker, traduction Jean Daive,
dans "Koshkonong", n°1, 2012, p. 3 et 4.
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