17/01/2017
Aimé Césaire, Soleil cou coupé
Marais
Le marais déroulant son lasso jusque là lové autour de son nombril le marais dégoisant les odeurs qui jusque là avaient tissé une épaule avec des aisselles
Le marais défaisant le mauvais œil qui jusqu’à présent lui avait éclairé tant bien que mal le mauvais bouge au fond duquel il entretenait ses mauvaises raisons dans un bocal de sangsues luxueuses réservées au sang des plus illustres têtes couronnées.
et me voilà installé par les soins obligeants de l’enlisement au fond du marais et fumant le tabac le plus rare qu’aucune alouette ait jamais fumé.
Miasme on m’avait dit que ce ne pouvait être que le règne du crépuscule. Je te donne acte que l’on m’avait trompé. De l’autre côté de la vie, de la mort, montent des bulles. Elles éclatent à la surface avec un bruit d’ampoules électriques brisées. Ce sont les scaphandriers des victimes de la réclusion qui reviennent à la surface remiser leur tête de plomb et de verre leur tendresse.
[ …]
Aimé Césaire, Soleil cou coupé, K éditeur, 1948, p. 77.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Cummings, Edward Estlin | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : aimé césaire, soleil cou coupé, marais, mauvais œil, sang, tabac, victime | Facebook |