11/05/2023
Franco Fortini, Feuille de route
À une ouvrière milanaise
Toute détruite, née toute nouvelle ;
Pierres déchirées sans pitié,
Ressurgie pour toi, devenue
Toute à nous, cette ville.
Ensevelie et rien qu’esprit est la mère tremblante
Qui nous angoissa asservis de baisers.
Et douloureusement en doigts de flamme l’amante
Efface ces signes tenaces.
Mais ici où entre être et non-être hésite
Prisonnière en elle-même notre figure,
Libérée tu apportes la justice certaine
Qui connaît les vivants et les morts.
Et te regardant s’humilie en nous un triste
Esclave tyran et l’espérance est entière :
Dans les matins mon peuple debout
Attend la grande sirène.
Franco Fortini, Feuille de toute, traduction Giulia
Camin et Benoît Casas, NOUS, 2023, . p. 17.
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10/05/2023
Franco Fortini, Feuille de route
La rose ensevelie
Là où nous irons chercher les couronnes de fleurs
La musique des violons et les torches du soir
Là où seront les pupilles dorées
Les ténèbres, les voix — quand à travers les pleurs
Descendront les cavaliers aux manteaux gris
Sur les prés sans couleur faisant signe Et de nous
Derrière ce trot sans bruit par les vallées
D’exil irrévocable, les images suivront.
Mais le destin le plus brisé est liberté,
Et embaume éternelle la rose ensevelie,
Là où rayonnait notre joie fidèle
Un autre retrouvera les couronnes de fleurs.
Franco Fortini, Feuille de route, traduction Giulia
Carmin et Benoît Casas, éditions NOUS, 2022, p. 47.
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05/03/2023
Franco Fortini, Feuille de route
Sagesse
Il n’y a qu’une femme que j’ai aimée
Comme dans les rêves on s’aime soi-même
Et de bien et de mal je l’ai comblée
Comme font les hommes avec eux-mêmes.
C’était elle que j’avais choisie
Pour être appelé par mon nom :
Et elle le disait lorsque je l’ai perdue.
Mais peut-être n’était-ce pas mon nom.
Et je vais par d’autres saisons et pensées
Cherchant autre chose par-delà son visage ;
Mais plus je me fatigue par de nouveaux sentiers
Plus nettement je connais son visage.
Peut-être est-ce vrai, et les plus sages l’ont écrit :
Au-delà de l’amour il y a encore l’amour.
La fleur se perd et puis se voit le fruit :
Nous nous perdons et c’est l’amour qu’on voit.
Franco Fortini, Feuille de route, édition bilingue,
traduction de l’italien Giulia Camin et Benoît Casas,
préface Martin Rueff, NOUS, 2002, p. 53.
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17/04/2022
Franco Fortini, Une fois pour toutes
Le faux vieillard, VI
Le canard palmé, tu vois comme il va
tout huilé sur le petit lac ?
Le petit
Norbert renifle le fer de la balustrade.
Ce soir ressemble à beaucoup d’autres soirs.
Au sommet des arbres
où très fine commence la brume
les sons de la ville
se rassemblent et virent au large.
Un merle passe, portant dans le bec
une brindille et une herbe minuscule.
Qu’est-ce que nous faisons ici.
Franco Fortini, Une fois pour toutes, traduction
Bernard Simeone et Jean-Charles Vegliante,
Fédérop ? 1987, p. 87.
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