29/09/2022
Nicolas Pesquès, La face nord de Juliau, onze, douze
le 18 novembre (2008)
Si, sur une page, je regarde le mot colline, je connais, dans des délais variables, un afflux ou non d’images, d’envies, de mémoire. Une boue de pensée, la soupe des sensations. Il est souvent difficile de les distinguer.
Si, maintenant, je regarde la colline, je connais, dans des délais également variables un afflux ou non d’images, d’envies, de mémoire ; La même soupe, la même boue.
Le corps a vécu deux activités, a accompli deux choses radicalement différentes. Comment les symptômes pourraient-ils être les mêmes ? Ils ne le sont pas. C’est toute la tragédie et toute l’excitation du monde.
Nicolas Pesquès, La face nord de Juliau, onze, douze, Flammarion, 2013, p. 104-105.
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03/12/2014
Cesare Pavese, Travailler fatigue
Nocturne
La colline est nocturne, dans le ciel transparent.
Ta tête s'y enchâsse, elle se meut à peine,
compagne de ce ciel. Tu es comme un nuage
entrevu dans les branches. Dans tes yeux rit
l'étrangeté d'un ciel qui ne t'appartient pas.
La colline de terre et de feuillage enferme
de sa masse noire ton vivant regard,
ta bouche a le pli d'une cavité douce au milieu
des collines lointaines. Tu as l'air de jouer
à la grande colline et à la clarté du ciel :
pour me plaire tu répètes le paysage ancien
et tu le rends plus pur.
Mais ta vie est ailleurs.
Ton tendre sang s'est formé ailleurs.
Les mots que tu dis ne trouvent pas d'écho
dans l'âpre tristesse de ce ciel.
Tu n'es rien qu'un nuage très doux, blanc
qui s'est pris une nuit dans les branches anciennes.
Cesare Pavese, Travailler fatigue, traduit de l'italien et préfacé par Gilles de Van, Gallimard, 1969, p. 85.
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