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09/03/2020

Pierre Alferi, divers chaos

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avec vous contre qui

la perte de qui

l’appauvrissement

la soumission de qui

la loi travaille

l’état valet

ne fait pas de quartier

d’été l’état

va — lèche-cul

dans de la soie — danser

la valse des pantins

des représentants

de votre abandon

jusqu’à la sortie

la rentrée des classes

sociales voulez-vous

vous les

laisser faire ?

serons-nous beaucoup

trop peu avec

les plus nombreux ?

 

Pierre Alferi, divers chaos, P. O. L,

2020, p. 233.

25/09/2015

Cédric Demangeot, Une inquiétude

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L’ennui est le mètre étalon de l’intelligence à la française. Se donner l’air d’aimer l’ennui en matière d’art, revient à se donner l’air intelligent. Il est de mauvais goût d’être saisi, d’être emporté, ravi & ravagé par l’œuvre. Tout ce qui fait violence ou péripétie, tout ce qui fait rythme ou force vive est méprisé, considéré comme impur ou de basse inspiration. Qu’on ne s’y trompe pas, ce critère n’est jamais que celui d’une petite coterie, aussi étriquée dans ses vues que totalitaire dans l’exercice de son pouvoir. Cette esthétique de la constipation idéale, où beauté rime avec propreté et mesure, est depuis quatre siècles environ, celle simplement d’une classe sociale qui aimerait bien se faire passer pour une aristocratie de l’esprit,  et qui s’érige à ce titre en arbitre intangible de la culture nationale. Ceux qui en sont se reconnaissent. Ils se transmettent de père en fils leurs privilèges, leur chlorose et leur néant.

 

Cr réflexe crypto-classique sectaire, s’il est éminemment français, est aussi, me semble-t-il, une réminiscence de l’idéal chrétien de frustration : ce qu’on s’interdit, ce qu’on réprime et qu’on va jusqu’à condamner, c’est encore ici le plaisir et l’effroi, et c’est encore l’intensité vitale. C’est la vie.

 

Cédric Demangeot, Une inquiétude, Poésie / Flammarion, 2013, p. 89.

10/10/2013

Blaise Cendrars, Sous le signe de François Villon

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(...) les mauvaises fréquentations que je recherchais ne m'en imposaient pas, et si je m'y complaisais au point de me laisser aller à me tromper sur ma véritable nature, je n'étais dupe ni des gens ni de leur milieu, ni de leur vie car plus on fraye avec ce monde inquiétant qui grouille dans les bas fonds d'une grande ville, plus on s'aperçoit que comme partout ailleurs, chez les bourgeois, chez les ouvriers, chez les paysans, chez les riches et chez les pauvres, les vices, les bobards, les vantardises, les pires excentricités et les insubordinations des révoltés, des anarchistes, des bohèmes, des apaches, des voleurs et des assassins, bref des soi-disant affranchis sont encore mœurs et coutumes de conformistes, c'est-à-dire que tous ces individus déracinés forment une classe, une classe qui a ses traditions et ses privilèges, sa morale, son travail, sa loi et, aussi paradoxal que cela puisse paraître, tous les préjugés d'honneur et d'argent les plus étroits qui ont également cours forcé dans les autres classes de la société.

   En vérité, moi qui voulais être libre (indépendant, je l'étais depuis l'âge de quatorze ans), je ne me sentais, cet hiver-là, nulle part à ma place. C'est pourquoi je revenais toujours à mes livres et passais des nuits à lire.

 

 

Blaise Cendrars, Sous le signe de François Villon, dans Œuvres autobiographiques complètes, I, édition publiée sous la direction de Claude Leroy, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2013, p. 84.