17/08/2016
Philippe Beck, Chants populaires
Concours
Paresse est bête !
Qui va sur quel terrain ?
Quelle terre relative ?
Terre est pas d’adieu souvent.
Père lance un concours d’inaction.
Qui est la bête
parmi des enfants immobiles ?
Il fixe des commençants.
(Dans la constance irritable.)
Amour est l’entraîneur.
Père passe la main.
Il faut le palmarès
pour continuer ?
Dans le semble.
Au prix de passivité intime.
Une propriété
au fils immobile.
À l’Indifférent Apparent.
Impassible est le fusible
pour continuer ?
Ou bien le passionné à part ?
Ici, paresse est fille d’impassibilité.
Mère Fixe est fusible infini.
Un enfant pleut l’insomnie.
Elle est obstacle infini.
C’est bien.
L’autre est un homme à l’arrêt,
chien inutile,
si les habits sont en feu.
Est-ce un homme d’arrêt ?
Où est la battue ?
Le dernier laisse la corde
serrer,
les bras comme des branches
de saule posé dans les rayons.
À l’office fermé.
Il gagne le concours inventé
par un homme tendu.
Le P. Premier.
Il est allé loin dans l’idée.
Dernier a paressé avec intensité.
Loin dans l’idée
du terrain d’Éternité Limitée.
Maison cimente
les noms défunts de la continuité.
L’enfant qui est un arbre
de pierre
est l’héritier.
Fils Minéral
est une idée de la propriété
Éternité.
Qui a du temps particulier.
Sous le champ manque la plage d’or.
Propriétaire Passif
imprime
des pages de paix antipathique.
D’après « Les trois paresseux »
Philippe Beck, Chants populaires,
Poésie / Flammarion, 2007, p. 134-135.
"Chaque poème ou chant populaire s'inspire ici d'un conte "noté" par les Grimm" (Avertissement, p. 7)
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05/02/2016
Philippe Beck, Chants populaires
Cendres
Fille Unique spécialise
des cendres.
Ou fille isolée.
Hiver met un manteau sur tout,
et printemps enlève le manteau
de tout, et notamment des tombes.
La glace-manteau.
Tombes sont des pétales dans quel vent ?
Printemps enlève texte d’eau et de nuit.
(Aujourd’hui = époque des cendres
dans le printemps habituel
ou Température.
Elle grise les possibilités du soleil.
Et les pièces dessous.)
Père fait une fin à nouveau.
Nouveau Lit fait deux filles,
ou Filles suivantes —
avec un cœur noir.
Fille Première est l’adversaire.
Fille de Lit Premier.
Elle quitte le salon étoilé.
Tablier gris remplace le ciel.
Père accepte.
Première courbe la tête.
Elle fait les travaux.
Sépare les restes du feu.
Elle a un lit de sable gris.
Elle dort dans le centre sévère,
avant un élan d’oiseaux.
Cendrillon est cloche de cendre.
Enfant du centre gris.
Et de chaufferie.
Elle garde aussi la veilleuse.
Avant l’huile de pierre.
Sœurs supplémentaires
ont le précieux.
Cendrillon tient une branche
sur la tombe de Mère,
arrosée par larmes nouvelles.
D’où l’arbre à l’oiseau blanc.
L’oiseau qui réalise.
Les oiseaux sous un ciel
piquent et repiquent
dans la cendre.
Occasionnels chercheurs
des restes du feu.
Ils font une tempête d’huile ?
Et l’oiseau blanc apporte
robe d’or et d’argent
+ souliers de soie et de gris.
Au retour d’un bal, Belle Habillée
donne habit de soleil à l’oiseau blanc.
Ou Oiseau Blanc.
Elle habite un cœur la nuit.
Provisoirement ?
Elle occupe le jour filmé
normalement.
Danseur Élevé dit
« C’est elle ».
Cendrillon danse.
Cloche peut danser.
Puis elle oublie un soulier.
L’escalier du bal sur terre
a comme un mouchoir blanc.
Et colombes commentent
par des roucou-oucou
la vie de filles supplémentaires.
Elles veulent entrer le pied
dans le soulier oublié.
Oiseaux du Calme sous un ciel
aveuglent les sœurs
au mariage d’une fille des cendres.
Elle a dansé habillée.
Cendre est poudre de verre ou peau ?
(D’après « Cendrillon »)
Philippe Beck, Chants populaires, Flammarion,
2007, p. 35-37.
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15/11/2013
Philippe Beck, Chants populaires
Chaque poème ou chant populaire s'inspire ici d'un conte "noté" par les Grimm. (Avertissement, p. 7)
27. Technique
La force de l'homme est le point.
Celui-là sur le banc
fut un homme.
Celui-ci sur le banc continue.
Il devient ce qu'il est.
Qui est un homme ?
Bête se demande. Elle dit parfois : « Voilà un homme ».
Ou : « Voici »
Elle va sur lui. Droit devant.
Il prend un bâton et souffle dans le dur.
Il souffle autour.
Les braises sont
au visage de la bête.
Des pierres qui brillent.
Des pierres combatives.
Comme foudre mariée à grêle.
Bête sent qu'il y a une idée
dans le souffle. L cause
étonnement.
Et l'arrêt en plein vol.
En plein air.
Bête allée à Technicité.
En passant.
Elle vient bouche ouverte et tombée
(coquillage)
pays de violence et d'invention.
Silence et inauguration
dans la bête.
Avant les jeux.
Elle commence la vertu commune.
Et les tissus de vertu.
D'après « Le Loup et l'Homme »
Philippe Beck, Chants populaires, Flammarion,
2007, p. 85-86.
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16/09/2011
Philippe Beck, Chants populaires
Chaque poème ou chant populaire s’inspire ici d’un conte « noté » par les Grimm.[…] Les Chants populaires dessèchent des contes, relativement. Ou les humidifient à nouveau. Par un chant objectif. Un conte est de la matière chantée ancienne, intempestive et marquante, à cause d’une généralité. (Philippe Beck, Avertissement, p. 7 et 9).
27. Technique
La force de l’homme est le point.
Celui-là sur le banc
fut un homme.
Celui-ci sur le banc continue.
Il devient ce qu’il est.
Qui est un homme ?
Bête se demande.
Elle dit parfois : « Voilà un homme ».
Ou « Voici ».
Elle va sur lui. Droit devant.
Il prend un bâton et souffle dans le dur.
Il souffle autour.
Les braises vont
au visage de la bête.
Des pierres qui brillent.
Des pierres combatives.
Comme foudre mariée à grêle.
Bête sent qu’il y a une idée
dans le souffle. I. cause
étonnement.
Et l’arrêt en plein vol.
En plein air.
Bête allée à Technicité.
En passant.
Elle visite bouche ouverte et tombée
(coquillage)
pays de violence et d’invention.
Silence et inauguration
dans la bête.
Avant les jeux.
Elle commence la vertu commune.
Et les tissus de vertu.
D’après « Le Loup et l’Homme »
Philippe Beck, Chants populaires, collection Poésie, Flammarion, 2007, p. 85-86.
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08/07/2011
Jean Bollack, préface à : Philippe Beck, Chants populaires, traduits en allemand
Les Chants populaires de Philippe Beck ont été traduits en allemand par Tim Trzaskalik et publiés avec une préface de Jean Bollack, inédite en français.
La poésie de Philippe Beck, que ce volume présente au public allemand, se distingue de toute autre — disons le mot : radicalement. On pourrait parler de licence, à condition d’associer au terme la plus grande distance, qu’elle existe, ou qu’on l’imagine face à la chose qui se dit ou que l’on écrit (ce qui ne va pas de soi). Le lecteur allemand retrouve dans ce recueil les contes réunis par les frères Grimm, d’après une traduction française, puis réécrits, retraduits, commentés, creusés, plus encore. Une trace du modèle y reste, l’auteur s’y rapporte dans la langue du poète : c’est dire qu’il s’en éloigne. Je conjecture qu’il nous parle en se parlant à lui-même, et en prenant possession de Grimm. Le récit ne sera plus le même, une fois retracé, reformulé, intégré dans un nouveau discours ; il est passé à autre chose, pour de vrai ou pour nous, pour le faire mieux comprendre, ou pas, tel autre.
Les contes sont devenus des poèmes, comme le montrent les titres, « Porte » ou « Bruit » ou « Faille », des thèmes recentrés, encore que Beck n’écrive pas proprement des poèmes, du moins comme on a pu les faire et refaire avant lui – et avant une coupure. L’unité de composition n’est plus là ni la fermeture, abolies, et pouvant ainsi ressurgir ailleurs dans la différence, d’une langue ou d’une matière ; elles seront simples ou plus complexes, avec, à l’horizon, l’énigme, et, repérables, les rencontres quotidiennes, la référence particulière, vécue.
Ce qui se dit se réfère ; c’est le plus souvent du dit, de l’avant-dit. Tout se redit, mais Beck s’est créé initialement une forme – un vers , si c’en est un, court et limitatif, qui scande à sa façon, se réduit aussi et se brise. Il prête au discours, mieux vaut dire aux mots et à leur substance sonore, un débit et un rythme qui se maintient, saccadé ou fluide. Il est hérité des anciennes épopées, françaises entre autres ; les ressources narratives, défaisant l’alexandrin, y jouent leur rôle. Dès le départ, quasi immémorial, un mouvement s’est enclenché ; il se poursuit, s’offre à l’avance à toutes les interventions à venir. Ancestral, le rythme et sa base créent une continuité essentielle ; elles ne sont pas moins proches, réinventées, adaptées à un nouvel état de la langue, épuisée et disponible, dépassable. Sur ce fond, en ce lieu primaire, riche de toutes les potentialités, une invention poétique vient s’inscrire en second ; elle s’y retrouve et s’actualise ; c’est comme si une poésie en acte depuis toujours, et comme telle préalable, se transformait en un réceptacle et empêchait tout déploiement verbal, contraignant à la rigueur d’un jugement.
La pensée, dans ce cadre, peut prétendre à une place, il ne lui faut que l’objet, la matière ; pour la façon de dire, elle n’est pas implicite ni accordée ; elle est comme préparée, je dirais, disponible. Ainsi, dans une autre geste, non moins large, dans un autre livre, Beck a choisi de lire les critiques et les réactions que l’œuvre de Mallarmé a pu susciter autour de lui, auprès de ses contemporains ; la reprise a pu en faire la matière, toujours dans le cadre continu décrit, d’une interrogation et inclure ainsi une relation critique dédoublée. Le poète peut y intervenir en tiers, introduisant par sa présence et sa réflexion une autre constante complémentaire de l’autre, à l’autre pôle.. Ainsi, pour les contes, on attend le retour de la voix off, qui dira ce qu’il en est, de l’écrit et de l’inscrit, comme elle le lit et l’entend. Le lecteur connaît le récit, ou mieux, il l’a relu, puis il découvre comme à neuf ce que le poète en fait. Il le redit multiplement, selon ses choix, retraduisant, ou commentant, ou approfondissant en s’emparant. Le défi est énorme.
Dans un passage de « Robe », d’après « La véritable fiancée », le château est le dernier degré des exigences exorbitantes de la marâtre. Fille est opposée à Ancienne (la vieille magicienne) ; elle rêve et bâtit dans les nuées. Le poète tend la corde de l’arc jusqu’aux extrêmes. Est-ce hors conte ?
« Parfois, tristes maçonnent des vapeurs »
La fille cède sa place. Ce sont les pierres qui construisent :
« Elles [les pierres ] sont le bâtiment des bâtiments ».
En creusant un dédoublement (tiré du polyptote sémantique), on perce jusqu’au principe — l’art, le faire — inhérent à la matière :
« Des mains ont manié des pierres ».
C’est, tiré d’un autre retour sur soi (« manier » se lit à travers la figure de la paronomase — une « étymologie » ; elle a pour fonction de dire vrai (de dire l’étymon). L’exemple est encastré dans un médaillon scintillant – il faudrait encore dire autrement : ce sont des « fleurs » que le texte porte à l’épanouissement. Un développement peut aussi bien être appelé dépouillement, cela se tient. Il se dessine au hasard, mais les hasards ne se comptent pas.
L’originalité n’est jamais première ; elle se situe, elle se démarque, se ménage des espaces propres, s’autonomise face à la référence. Elle invente ainsi sans inventer, et fait voir sans aucun paradoxe ce qu’elle trouve. Toujours on s’appuie, toujours on se libère, on découvre ce que c’est ou ce que cela pourrait être. On peut aussi (pensons à « Tour » d’après « Œillet ») lire les transpositions sans confronter. On saisit alors la force condensée de l’abstraction et la liberté d’une réduction.
Je me suis servi, en étudiant les poèmes de Celan, du terme de « réfection ». Le procédé que l’on trouve ici appartient à la même catégorie. La contradiction en moins peut-être. La reprise s’interprète différemment, selon les positions prises et les moments de l’histoire. Beck s’est construit une base initiale, presque avant d’avoir cherché, puis trouvé sa voie dans le monde de la lettre.
Jean Bollack, préface (en allemand) à : Philippe Beck, Populäre Gesänge, Matthes & Seitz, Berlin, 2011, traduction par Tim Trzaskalik de Chants populaires, Flammarion, 2007.
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22/04/2011
Philippe Beck, Chants populaires
Chaque poème ou chant populaire s’inspire ici d’un conte « noté » par les Grimm.[…] Les Chants populaires dessèchent des contes, relativement. Ou les humidifient à nouveau. Par un chant objectif. Un conte est de la matière chantée ancienne, intempestive et marquante, à cause d’une généralité. (Philippe Beck, Avertissement, p. 7 et 9).
18. Faille
Tailleur a un fils,
né petit.
Petit Relatif.
Petit-Poucet est variété
de Tom.
Ce sont deux rhumains.
Des coupes.
Tailleur a aussi du cœur
au ventre.
Plus que beaucoup.
Il s’en va pour connaître le monde.
Ce qui s’appelle du monde.
Mère cuisine un adieu.
Avec rivière.
Il va à la cheminée,
couloir vertical
de terre privée à commencement
de ciel.
Vapeur qui monte du bouillon
le lance en haut. Il monte dans les airs
sur la vapeur
et redescend à terre.
Il est au milieu de Monde.
Dans le Grand Extérieur.
À Publicité et Possibilité.
Il commence un voyage.
Soucis divins disparaissent
pour l’instant.
Il va droit devant.
Il est dans la grande forêt,
image de l’Ensemble Menaçant.
Elle a des failles.
Comme une porte.
C’est une grille.
Et une chambre d’or.
Les écus sont comme des appelants
Appelants inconnus ?
Ou des communiqués de chasse ?
Ils manquent comme des pommes comptées.
Les écus dansent et font
cling ! cling ! cling !
Petit va dans les brèches,
les fentes de monde,
et prend.
Fentes d’opéra ?
Il prend quoi ?
Derrière une pièce qui brille,
Il dit « Hé ! hé ! »,
« Ho ! ho ! » ou « Ohé ! ».
Il est ailleurs, et ailleurs.
Successivement.
Héros qui apparaît.
Il va au monde. Indéfiniment.
Une bête le prend dedans.
Il est dans la nuit de monde.
Il a peur.
Il est dans la noire.
Au milieu de chair qui a des mouvements.
Il passe dans l’intervalle des coups.
À l’usine de nuit.
Danger donne le nerf
et le muscle.
Il reste à l’Ensemble de Viande.
Vivant élément.
Ou Chair de Marionnette curieuse.
Jungle ou Manège Menaçant.
Avec des souffles d’enfer.
Il y danse énergiquement.
Maison provisoire est en mouvement.
C’est l’hiver. Il sort la tête
d’un monde sombre et vivant.
Dehors alimente le souvenir
de danse et des vapeurs
mélancoliques.
Souvenir d’Usine Dedans.
D’après « Le voyage du Petit-Poucet »
Philippe Beck, Chants populaires, Poésie / Flammarion, 2007, p. 62-64.
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