02/03/2020
Pierre-Albert Jourdan, Fragments
Ce qui s’offre au regard. Mais qu’est-ce donc cela qui s’offre au regard ? Cela me fait parfois songer à ce personnage, lors de la première représentation d’Ubu roi, qui demandait : « C’est bien une plaisanterie n’est-ce pas ? »
Sous la paisible (somme toute) nomination des choses demeure une force explosive, aveuglante. Et toutes les interrogations n’enlèvent nullement ce pouvoir d’évidence (que d’autres voies soient possibles n’y change rien). Pouvoir d’évidence, pouvoir aussi de fascination. Niveau simple ? Alors nous devons aussi nous interroger sur ce que ce mot de « simple » signifie, sur ce mystérieux donné. Cette « simplicité » fait se dresser devant l’esprit de telles murailles qu’il vaut mieux s’ouvrir à une telle venue, se disposer à une telle venue. Il y aurait là, tout aussi bien, une science terriblement ardue.
Pierre-Albert Jourdan, Fragments, éditions poliphile, 2011, p. 12.
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01/03/2020
Pierre Vinclair, Sans adresse
(59)
Le café noir au début d’un jour blanc :
que le jour passe et que le jour à suivre
passe — passé à lire en attendant
quoi ? Un réveil, un café et un livre.
Que la vie passe, avec ou sans café
oui ! Que la nuit arrive et m’engloutisse
et me recrache au matin décoiffé,
indifférent — et que le jour finisse.
Pourtant un jour je retrouverai goût
au café noir, à sa saveur amère
et forte en gorge, à sa texture — à tout
ce qui depuis si longtemps indiffère
mon cœur, nerveux comme un moulin qui broie
quelque grain noir d’excitation sans joie.
Pierre Vinclair, Sans adresse, éditions Lurlure, 2018, p. 67.
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