14/09/2015
Raymond Queneau, L'instant fatal, II
Quelqu’un
Quand la chèvre sourit
quand l’arbre tombe
quand le crabe pince
quand l’herbe est sonore
plus d’une maison
plus d’une coquille
plus d’une caverne
plus d’un édredon
entendent là-bas
entendent tout près
entendent très peu
entendent très bien
quelqu’un qui passe et qui pourrait bien être
et qui pourrait bien être quelqu’un
Pins, pins et sapins
Le ciel la mer saline et les rochers plein d’eau
le cœur de l’anémone auprès des pins têtus
la marche auprès du ciel la marche auprès de l’eau
et la course assoiffée auprès des pins têtus
herbes mousses lichens et toutes les bestioles
le regard s’est perdu sous les sapins têtus
le regard qui s’égare après tant de bestioles
les peuples effarés sous les sapins têtus
le ciel la mer saline où sabre le soleil
tranche la tête plane aux sapins éperdus
se cabrant dans le ciel et se cabrant dans l’eau
tandis qu’une bestiole à l’ombre d’un lichen
cerne de son trajet le bois des pins têtus
sans qu’un regard disperse une route inutile
Raymond Queneau, L’instant fatal, II, dans Œuvres complètes, I, édition Claude Debon, Pléiade / Gallimard, 1989, p. 96-97.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Queneau Raymond | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : raymond queneau, l’instant fatal, ii, quelqu'un, pin, sapin, ciel, eau, regard | Facebook |
Les commentaires sont fermés.