06/04/2015
William Carlos Williams, Un Jeune Martyr
Hymne à l’amour qui s’achève
(traduction imaginaire de l’espagnol)
Par quels excès de la passion t’a-t-il fallu
passer, Sappho, pour parvenir à la paix
du chant immortel ?
Comme après une maladie, comme après la sècheresse
les ruisseaux libres de couler
remplissent les champs de fraîcheur
les oiseaux boivent à chaque branche
et des bêtes sortent de chaque trou —
mugissement, chant de l’euphorie à l’adresse
des couleurs d’un monde qui s’éveille.
Ainsi
après l’amour une musique le submerge.
Car qu’est-ce que l’amour ? Mais la musique c’est
Villon battu et chassé
Shakespeare sortant de la grotte de la sagesse
pour poser sur le monde un regard dubitatif
Alighieri recommençant tout
Goethe qu’une rose a pris au piège
Li Po l’ivrogne, des chanteurs que
l’amour a vaincus —
Les oiseaux eux-mêmes et les bêtes au soyeux pelage
appartiennent à cette compagnie ainsi que
tous ceux qui le souhaitent — quand l’amour s’achève
à l’éveil d’un chant plus doux.
William Carlos Williams, Un Jeune Martyr, suivi de Adam et Ève
et la Cité, traduction et présentation de Thierry Gillybœuf, La Nerthe, 2009, p. 38.
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