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27/01/2015

Jean-Loup Trassard, Caloge

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                               Croissant

 

   Il disait qu'il allait y aller. Mais il avait commencé au jardin, arraché ou coupé, brûlé bourrier, ronces, fanes d'artichauts. Débité les branches tombées pendant la tempête, mis les triques à l'abri sous le bûcher. Fait un fourneau encore pour les feuilles, bois mort, grandes herbes, lierre. Consolidé les clôtures et barrières, payé dans le bourg plusieurs factures. Son travail de bureau le tenait aussi à l'intérieur. Cependant il voulait avant de repartir mettre la propriété en ordre; Et savait qu'en rentrant, après trois semaines, il faudrait déjà tout reprendre. Vous n'imaginez pas ça, vous, en ville. Ce n'est pas seulement le rapport. Il y a du respect pour la terre. On ne peut manquer à faire ce qu'il faut. Semblerait qu'on ne lui rend pas ce qu'elle nous donne. Même les prés ont besoin d'entretien, surtout les vieilles pairies de fond comme celles-là où n'importe quoi pousse assez vite si l'on n'y prend pas garde.

   Depuis son arrivée, fin de juin, il s'était mis en retard. Il répétait, avec raison, que fallait couper chardons, orties, oseilles avant qu'elles ne puissent dégrainer. Envahissants, ils prendraient la place de l'herbe. Même rares, leurs touffes rompent le tapis, comme on dit chez nous, « ça dégriche, ou grimace, fait vilain. » Et puis, si vous laissez vos chardons monter, les voisins se plaignent : la graine, emplumée, vole au loin quand elle est mûre, tout le quartier serait ensemencé. Cette année, je ne sais pas pourquoi, on en a eu des sacrés chardons !

 

Jean-Loup Trassard, Caloge, Le temps qu'il fait, 1991, p. 79-80.

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