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07/06/2014

Raymond Queneau, Fendre les flots

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           L'ouïe fine

 

Les poissons parlent quel charivari

on ouvre les ouïes pour entendre

leurs discours océaniens

on n'entend rien

il faut avoir l'oreille maritime

pour percevoir ce que ces vertébrés expriment

sinon l'on n'entend rien

que le cri des mouettes

la sirène d'un navire le ressac

et les galets roulés

 

                  L'air de la mer

 

Quel être jette ainsi son haleine fétide

on croyait respirer voilà que cette odeur

s'enfle emplissant l'azur de son gaz homicide

répandant en tout lieu son immense puanteur

 

Quel monde peut ainsi congestionner les plaines

sur la terre et dans l'eau déversant son venin

éteignoir des parfums massacrant la verveine

la rose l'origan l'encens et le benjoin

 

Lorsque l'on aperçoit ces ombres méphitiques

qui viennent menacer l'air pur atmosphérique

que faire sinon fuir vers les larges lointains

 

et marcher d'un bon pas vers les rives humides

où les sels bienfaiteurs d'abord un peu timides

finissent par briser le monde du purin

 

Raymond Queneau, Fendre les flots, Gallimard, 1969,

p. 49, 94.

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