Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08/04/2025

Soline de Laveleye, Par les baleines

             soline de laveleye, par les baleines, corps

 

(…) Ne l’as-tu pas été, cette suite d’organes qu’on ausculte, sur laquelle on légifère, qu’on veut bride ou débrider, selon l’humeur. Tour après tour — dans le miroir à facettes les contours t’échappaient. Ne l’as-tu donc pas été cet élan ? Il trahissait tes orifices qu’il fallait occuper, dégager et emplir encore. Nous l’avons été — comme nous avons été empoisonnées trifouillées arrêtées — et nous avons été un corps qui s’étire et qui se renforce, un corps qui porte au jour, un corps qui se dédouble. Un corps désigné, ou encore : un corps étranger, un corps second. Nous avons été cette course, cette horizontalité, cette entité qui fend qui flotte qui chute. Tour après tour. Un corps de cycles. Des nuits, des jours. Ça continue à tourner. Il y a des masses et des fluides, de l’air autour et à travers, de l’air qui contient et qui élargit. Et nous ne saurons jamais vraiment, le saurons-nous, un jour le sauras-tu : ça commence où, ce corps ? et où ça s’arrête ?

 

Soline de Laveleye, Par les baleines, Gallimard, 2025, p. 69.

07/04/2025

Soline de Laveleye, Par les baleines

soline de laveleye,voix

C’était hier

 

Te souviens-tu du rêve

qui dépliait un ciel entre tes omoplates

quand les grandes migrations

en le quadrillant

te rappelaient l’espace

qu’il restait à grandir ?

 

Où courais-tu aigu ? Quelle odeur sur tes doigts ?

Quelle voix familière te clouait-elle au lit ?

Quelle rivière se nouer aux chevilles, quand le désir déborde ?

 

Quel visage a sorti

cette enfance du placard et le cœur du fourreau et la langue de son nom ?

Quel être a tramé notre perte

qui chantonnait la vie au fond du labyrinthe ?

 

Un beau jour il reste les accrocs, les appels perdus, les petits pas marins

pour faire semblant de vivre

Jusqu’au prochain passage d’un camion sous la pluie

son sillage de soie rêche où mord parfois le cœur.

 

Soline de Laveleye, Par les baleines, Gallimard, 2025, p. 18-19.