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28/06/2018

Anna Akhmatova, Requiem

 

                                        Akhmatova.JPG

                         Dédicace

 

Devant ce malheur les montagnes se courbent

Et le grand fleuve cesse de couler.

Puissants sont les verrous des geôles,

Et derrière, il y a les trous du bagne

Et la tristesse mortelle.

C'est pour les autres que souffle la brise fraîche,

C'est pour les autres que s'attendrit le crépuscule _

Nous n'en savons rien, nous sommes partout les mêmes,

Nous n'entendrons plus rien

Hormis l'odieux grincement des clefs

Et les pas lourds des soldats.

Nous nous levions comme pour les matines,

Dans la Capitale ensauvagée nous marchions,

Pour nous retrouver plus inanimées que les morts.

Voici le soleil plus bas, la Néva plus brumeuse

Et l'espoir nous chante au loin, au loin.

Le verdict... D'un coup jaillissent des larmes.

Déjà elle est retranchée du monde,

Comme si de son cœur on avait arraché la vie,

Ou comme si elle était tombée à la renverse.

Pourtant elle marche... titube... solitaire

Où sont à présent les compagnes d'infortune

 

De mes deux années d'épouvante ?

Que voient-elles dans la bourrasque sibérienne,

À quoi rêvent-elles sous le cercle lunaire ?

Je leur envoie mon dernier salut.

                                                                               Mars 1940

Anna Akhmatova, Requiem, traduit du russe par Paul Valet,

éditions de Minuit, 1966, p. 17.

 

 

17/04/2017

Anna Akhmatova, Requiem

                      Akhmatova.JPG

                           Dédicace

 

Devant ce malheur les montagnes se courbent

Et le grand fleuve cesse de couler.

Puissants sont les verrous des geôles,

Et derrière, il y a les trous du bagne

Et la tristesse mortelle.

C'est pour les autres que souffle la brise fraîche,

C'est pour les autres que s'attendrit le crépuscule _

Nous n'en savons rien, nous sommes partout les mêmes,

Nous n'entendrons plus rien

Hormis l'odieux grincement des clefs

Et les pas lourds des soldats.

Nous nous levions comme pour les matines,

Dans la Capitale ensauvagée nous marchions,

Pour nous retrouver plus inanimées que les morts.

Voici le soleil plus bas, la Néva plus brumeuse

Et l'espoir nous chante au loin, au loin.

Le verdict... D'un coup jaillissent des larmes.

Déjà elle est retranchée du monde,

Comme si de son cœur on avait arraché la vie,

Ou comme si elle était tombée à la renverse.

Pourtant elle marche... titube... solitaire

Où sont à présent les compagnes d'infortune

De mes deux années d'épouvante ?

Que voient-elles dans la bourrasque sibérienne,

À quoi rêvent-elles sous le cercle lunaire ?

Je leur envoie mon dernier salut.

                                                                                Mars 1940

 

Anna Akhmatova, Requiem, traduit du russe par Paul Valet,

éditions de Minuit, 1966, p. 17.

 

08/02/2016

Anna Akhmatova, Requiem

 

                                   MAIN_3268061b.jpg

                           Épilogue

                          I

 

J’ai appris comment se défont les visages,

Comment, sous les paupières, la peur guette,

Comment la souffrance transforme les joues

En dures tablettes gravées de signes cunéiformes,

Comment les boucles noires ou cendrées

Soudain deviennent d’argent,

Comment le sourire se fane sur les lèvres dociles,

Comment dans un petit rire tremble la peur.

Et je ne prie pas seulement pour moi,

Mais pour toutes celles qui étaient avec moi

Dans les grands froids et dans la canicule

Au pied du mur rouge, aveugle.

 

Automne 1939

 

Anna Akhmatova, Requiem, dans L’églantier fleuri et

autres poèmes, traduits par Marion Graf et José-Flore

Tappy, La Dogana, Genève, 2010, p. 221.

20/10/2013

Anna Akhmatova, Requiem, Prologue I

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 3 versions de      

            Requiem : Épilogue, I

 

Et j'ai appris comment s'effondrent les visages,

Sous les paupières, comment émerge l'angoisse,

Et la douleur se grave sur les tablettes des joues,

Semblables aux pages rugueuses des signes cunéiformes ;

Comment les boucles noires ou les boucles cendrées

Deviennent, en un clin d'œil, argentées,

Comment le rire se fane sur les lèvres sombres,

Et, dans un petit rire sec, comment tremble la frayeur.

Et je prie Dieu, mais ce n'est pas pour moi seulement,

Mais pour tous ceux qui partagent mon sort,

Dans le froid féroce, dans le juillet torride,

Devant le mur rouge devenu aveugle.

 

Anna Akhmatova, Requiem, traduction du russe par Paul

Valet, éditions de Minuit, 1966, p. 41.

 

                                    *

 

J'ai appris comment se flétrissent les visages,

Comment la peur regarde sous les cils baissés,

Comment la souffrance burine sur les joues

Des pages rudes en signes cunéiformes,

Comment les boucles noires et cendrées

Soudain deviennent argentées,

Le sourire se fane sur les lèvres dociles,

Et l'effroi tremble dans un petit rire sec.

Et je ne prie pas pour moi seule,

Mais pour tous ceux qui étaient avec moi là-bas,

Dans un froid de loup et dans un juillet brûlant,

Sous le mur rouge devenu aveugle.

 

Anna Akhmatova, Poème sans héros, Requiem et autres œuvres,

présentation et traduction de Jeanne et Fernand Rude,

François Maspero, 1982, p. 187.

 

                                        *

 

J'ai appris comment se défont les visages,

Comment, sous les paupières, la peur guette,

Comment la souffrance transforme les joues

En dures tablettes gravées de signes cunéiformes,

Comment les boucles noires ou cendrées

Soudat deviennent d'argent,

Comment le sourire se fane sur ls lèvres dociles,

Comment dans un petit rire sec tremble la peur.

Et je ne prie pas seulement pour moi,

Mais pour toutes celles qui étaient avec moi

Dans les grands froids et dans la canicule

Au pied du mur rouge aveugle

 

                 Automne 1939

 

Anna Akhmatova, L'églantier fleurit et autres poèmes, traduits par

 

Marion Graf et José-Flore Tappy, La Dogana, 2010, p. 221.

05/05/2012

Anna Akhmatova, Dédicace, dans Requiem

Anna Akhmatova, Requiem, dédicace, goulag

                                         Dédicace

 

Devant ce malheur les montagnes se courbent

Et le grand fleuve cesse de couler.

Puissants sont les verrous des geôles,

Et derrière, il y a les trous du bagne

Et la tristesse mortelle.

C'est pour les autres que souffle la brise fraîche,

C'est pour les autres que s'attendrit le crépuscule _

Nous n'en savons rien, nous sommes partout les mêmes,

Nous n'entendrons plus rien

Hormis l'odieux grincement des clefs

Et les pas lourds des soldats.

Nous nous levions comme pour les matines,

Dans la Capitale ensauvagée nous marchions,

Pour nous retrouver plus inanimées que les morts.

Voici le soleil plus bas, la Néva plus brumeuse

Et l'espoir nous chante au loin, au loin.

Le verdict... D'un coup jaillissent des larmes.

Déjà elle est retranchée du monde,

Comme si de son cœur on avait arraché la vie,

Ou comme si elle était tombée à la renverse.

Pourtant elle marche... titube... solitaire

Où sont à présent les compagnes d'infortune

De mes deux années d'épouvante ?

Que voient-elles dans la bourrasque sibérienne,

À quoi rêvent-elles sous le cercle lunaire ?

Je leur envoie mon dernier salut.

                                                                                Mars 1940

 

Anna Akhmatova, Requiem, traduit du russe par Paul Valet,

éditions de Minuit, 1966, p. 17.