18/01/2021
Friedrich Dürrenmatt, La Ville
Le piège
C’est dans la rue que je sentis pour la première fois son regard au milieu de la foule. Je m’arrêtai ; lorsque je me retournai cependant, je ne remarquai personne qui m’observait. Je ne voyais que ce flot de passants qui remplit le soir les rues de la ville : hommes d’affaires se perdant dans les auberges, amoureux devant des étalages, femmes accompagnées de leurs enfants, étudiants, prostituées bavardant leurs premiers pas avant la tombée de la nuit, écoliers sortant par ribambelles de leurs écoles ; et pourtant la certitude de me mouvoir à son ombre, dès cet instant, ne me quitta plus. Souvent, je sursautais en sortant de chez moi car je savais qu’à la même seconde il quittait l’entrée de la cave où il s’était caché, de la lanterne à laquelle il était appuyé, et qu’il repliait le journal qu’il avait feint de lire, bien décidé à repartir à ma poursuite, pour se cacher de nouveau dès que je m’arrêtais à l’improviste. Il m’arrivait d’ailleurs souvent de rester immobile au même endroit pendant des heures, ou encore de revenir sur mes pas dans l’espoir de le rencontrer. Puis m’étant habitué à cette peur indéfinissable qu’il m’inspirait, je commençais après plusieurs semaines il est vrai, à lui tendre des pièges ; le gibier devenait dès lors, lui aussi, chasseur.
Friedrich Dürrenmatt, La Ville, traduction Walter Weideli, L’Âge d’Homme, 1974, p. 81-82.
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05/07/2013
Geoffrey Squires, Sans titre — éditions Unes (1)
Trouver des histoires à ces arbres
narratifs dans leur feuillage
une raison à la densité
peu de choses résistent à l'interprétation
se défendent avec succès
contre la compréhension
et d'une certaine façon tout est dans l'air
pendu piégé et nulle part où aller
suspendu au-dessus de ces profondes rivières indolentes
branches traînantes poissons reposant dans les mares
To find stories for these trees
narratives of their foliation
some reason for density
few things resist interpretation
defend themselves successfully
against comprehension
and it is all the air somehow
hanaging trapped with nowhere to go
suspended above these deep indolent rivers
with branches trailing fish lying in ponds
Geoffrey Squires, Sans titre [Untitled III], traduit de l'anglais
(Irlande) et préfacé par François Heusbourg, 2ditions Unes,
2013, p. 17 et 16.
© Photo Keith Tuma, 2005.
Les éditions Unes, fondées par Jean-Pierre Sintive en 1981 ont été reprises en 2013 par François Heusbourg.
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