16/10/2016
Fabienne Courtade, Papiers retrouvés
Fabienne Courtade mentionne une année, une saison, été 2013 et, plus loin, note un jour, 12 juillet, jour de la mort de Mathieu Bénézet — qui est dans le poème avec une citation (« jouets d’enfant »), fragment dont la source est donnée sur le rabat de la plaquette.
Que reste-t-il quand l’aimé disparaît ? Il écrivait des mots dispersés sur des papiers, mots qui demeurent, à lire, peut-être à rassembler : des « papiers retrouvés », pour lier quelque chose du passé au présent. Rien qui puisse apaiser celle qui les lit, ne vient pour en parler que le vocabulaire du désordre : feu, sang, bruits, mouvements de la vie qui ne cesse, pleurs, chocs, qui l’emporte sur le mot « lumière », très présent.
Quand tout semble aller vers un autre équilibre, avec les roses dans un pot, et non plus des bruits mais le pas d’un passant, toujours revient et s’impose la couleur rouge, celle du sang — sang et rouge, deux mots qui ponctuent le poème. Il ne peut y avoir qu’une paix trompeuse, l’avancée vers la mort continue : « je ramasse une branche d’arbre / je la pose / sur l’étagère / tous les jours elle indique : ta présence / papiers / terre remuée // elle pourrit doucement // depuis le mois de juillet ». La fracture est irrémédiable, et « Les morts ne s’occupent pas des vivants », ces vivants pour qui les choses du monde n’ont pas changé, pas plus que le passage des saisons.
Dans une narration très épurée, sans jamais de pathos, s’esquisse ce qui ne peut se dire, les moments d’une vie que rappellent des objets, des lieux, les moments de l’attente. Persistent aussi les souvenirs de l’été : c’est ce temps de la rencontre, de « la lumière devenue vivante » — elle bondit, en effet —, et de la « lumière / de son regard », mais du passé ne subsistent que des images, et l’« on perd tout ».
Fabienne Courtade, Papiers retrouvés, le phare du cousseix, 2016, 16 p., 7 €.
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09/08/2016
Fabienne Courtade, Papiers retrouvés
Papiers retrouvés
j’en mets dans les poches
dans une enveloppe
je garde les mots
recopiés
sur un carnet
des morceaux
Été 2013
*
cette année est faite d’eau
et de feu
le trottoir est rouge sang
dehors
on entend le bruit des papiers
les bouteilles roulent sous les pieds
ici
les objets
sont précipités
en continu
sur le mur
c’est un film que l’on passe
et repasse
car il manque toujours le début
*
Pendant que nous allions
d’une chambre à l’autre
une goutte de pluie au bout des doigts
c’est le même pays que nous pleurons
Il n’entend pas leur respiration
le souffle
la sueur
les « jouets d’enfant »
Racle le sol
de ses doigts
dès le début
premier jour
âcre
Fabienne Courtade, Papiers retrouvés,
le phare du cousseix, 2016, p. 4-6.
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