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22/01/2021

Georg Christoph Lichtenberg, Aphorismes

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Les petits préjugés d’un sou (vertus) (vérités).

 

Il a décrit cela dans 6 in-octavo bien gras.

 

Il comprenait toutes les nuances de déclinaison et d’inclinaison du chapeau.

 

L’art, si bien cultivé aujourd’hui, de rendre les gens mécontents de leur sort.

 

Les saints sculptés ont eu beaucoup plus d’influence dans le monde que les saints vivants.

 

Georg Christoph Lichtenberg, Aphorismes, traduction Marthe Robert, Denoël, 1985, p. 31, 35, 35, 43, 46.

10/12/2017

Franz Kafka, Journal (traduction Marthe Robert)

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18 novembre [1913]

 

Je vais recommencer à écrire, mas que de doutes, entre temps, sur ma création littéraire ! Au fond, je suis une être incapable et ignorant qui, s’il n’avait été mis de force à l’école — je n’y allais que contraint, sans aucun mérite personnel, sentant à peine la contrainte — serait tout juste bon à rester blotti, dans une niche à chien, à sauter dehors quand on lui apporte sa pâtée et à rentrer d’un bond quand il l’a engloutie.

 

Franz Kafka, Journal, traduction Marthe Robert, Grasset, 1954, p. 297-298.

18/12/2016

Franz Kafka, Lettres à Felice, II

                       Franz Kafka, lettres à Felice, Marthe Robert, fantôme

À Grete Bloch                              8.VI.14

 

Chez nous les parents ont coutume de dire que les enfants vous font sentir à quel point on vieillit. Quand on n’a pas d’enfants, ce sont vos propres fantômes qui vous le font sentir, et ils le font d’autant plus radicalement. Je me souviens que dans ma jeunesse, je les attirais hors de leur trou, ils ne venaient guère, je les attirais avec plus de force, je m’ennuyais sans eux, ils ne venaient pas et je commençais à croire qu’ils ne viendraient jamais. À cause de cela j’ai déjà été souvent bien près de maudire mon existence. Par la suite ils sont quand même venus, de temps à autre seulement, c’était toujours du beau monde, il fallait leur faire des courbettes bien qu’ils fussent encore tout petits, souvent ce n’était nullement eux, ils avaient seulement l’air de l’être ou bien ils le donnaient seulement à entendre. Cependant lorsqu’ils venaient pour de bon, ils se montraient rarement féroces, on n’avait pas lieu d’être très fier d’eux, ils vous sautaient dessus tout au plus comme le lionceau saute sur la chienne, ils mordaient , mais on ne s’en apercevait qu’en maintenant l’endroit mordu avec le doigt et en y appuyant l’ongle. Plus tard, il est vrai, ayant grandi, ils sont venus et sont restés à leur guise, de tendres dos d’oiseaux sont devenus des dos de géants comme on voit sur les monuments, ils sont entrés par toutes les portes, enfonçant celles qui étaient fermées, c’étaient de grands fantômes fortement charpentés, une foule anonyme, on pouvait se battre avec l’un d’eux ; mais non pas avec tous ceux qui formaient cercle autour de vous.

 

Franz Kafka, Lettres à Felice, II, traduction Marthe Robert, Gallimard, 1972, p. 683.

27/11/2015

Franz Kafka, Lettres à Felice

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À Grete Bloch

 

8.VI.14

 

(…)

     En juillet j’irai m’installer dans une forêt quelconque afin d’améliorer en moi ce qui pourra l’être en hâte. Chez nous les parents ont coutume de dire que les enfants vous font sentir à quel point on vieillit. Quand on n’a pas d’enfants, ce sont vos propres fantômes qui vous le font sentir, et ils le font d’autant plus radicalement. Je me souviens que dans ma jeunesse je les attirais hors de leur trou, ils ne venaient guère, je les attirais avec plus de force, je m’ennuyais sans eux, ils ne venaient pas et je commençais à croire qu’ils ne viendraient jamais. À cause de cela j’ai déjà souvent été bien près de maudire mon existence. Par la suite ils sont quand même venus, de temps à autre seulement, c’était toujours du beau monde, il fallait leur faire des courbettes bien qu’ils fussent entre tout petits, souvent ce n’était nullement eux, ils avaient seulement l’air de l’être ou bien ils le donnaient seulement à entendre. Cependant lorsqu’ils venaient pour de bon, ils se montraient rarement féroces, on n’avait pas lieu d’être très fier d’eux, ils vous sautaient dessus tout au plus comme le lionceau saute sur la chienne, ils mordaient, mais on ne s’en apercevait qu’en maintenant l’endroit mordu avec le doigt et en y appuyant l’ongle. Plus tard il est vrai, ayant grandi, ils sont venus et sont restés à leur guise, de tendres dos d’oiseaux sont devenus des dos de géants comme on voit sur les monuments, ils sont entrés par toutes les portes, enfonçant celles qui étaient fermées, c’étaient de grands fantômes fortement charpentés, une foule anonyme, on pouvait se battre avec l’un d’eux, mais non pas avec tous ceux qui formaient cercle autour de vous. Écrivait-on, ce n’étaient rien que des bons génies, sinon c’étaient des démons dans la foule desquels on pouvait tout juste encore lever le bras pour montrer où on était. Quant à la façon dont on se disloquait la main en haut, de cela sans doute on n’était pas responsable.

 

Franz Kafka, Lettres à Felice II, traduit de l’allemand par Marthe Robert, Gallimard, 1972, p. 683.