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15/06/2022

Raymond Queneau, Les Ziaux

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                      Les Ziaux

 

les eaux bruns, les eaux noirs, les eaux de merveille

les eaux de mer, d’océan, les eaux d’étincelles

nuitent le jour, jurent la nuit

chants de dimanche à samedi

 

tes yeux vertes, tes yeux bleues, tes yeux d’étincelles

les yeux de passante au cours de la vie

les yeux noires, yeux d’estanchelle

silencent les mots, ouatent le bruit

 

eau de ces yeux penché sur tout miroir

gouttes secrets au bord des veilles

tout miroir, toute veille en ces yeux bleues ou vertes

les ziaux bruns, les ziaux noirs, les ziaux de merveille

 

Raymond Queneau, Les Ziaux, dans Œuvres complètes, I,

Pléiade/Gallimard, 1989, p. 69.

14/06/2022

Raymond Queneau, Les Ziaux

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                     Il pleut

 

Averse averse averse averse averse averse

pluie ô pluie ô pluie ô ! ô pluie ô pluie ô pluie !

gouttes d’eau gouttes d’eau gouttes d’eau gouttes d’eau

parapluie ô parapluie ô paraverse ô !

paragouttes d’eau paragouttess d’eau de pluie

capuchons pélerines et imperméables

que la pluie est humide et que la pluie mouille et mouille !

mouille l’eau mouille l’eau mouille l’eau mouille l’eau

et que c’est agréable agréable agréable de pluie et de gouttes

d’avoir les pieds mouillés et les cheveux humides

tout humides d’averse et de pluie et de gouttes

d’eau de pluie et d’averse et sans un paragoutte

pour protéger les pieds et les cheveux mouillés

qui ne vont plus friser qui ne vont plus friser

à cause de l’averse à cause de la pluie

des gouttes d’eau de pluie et des gouttes d’averse

cheveux désarçonnés cheveux sans parapluie.

 

Raymond Queneau, Les Ziaux, dans Œuvres complètes, I,

Pléiade/Gallimard, 1989, p. 31.

 

13/06/2022

Raymond Queneau, Les Ziaux

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          L’homme du tramway

 

Cet homme qi marche le long du quai la nuit

le long de la Seine entre Asnières et Courbevoie

cet homme dans l’ombre à chaque instant fuit

suit son chemin droit et sa courbe voie

 

cet homme a mal aux pieds — misère

et la fatigue ligote ses épaules

cet homme danse chacun de ses pas

longs comme des nuits d’hiver

 

depuis une heure le tram ne roule plus

cet homme mesure des kilomètres

à l’épaisseur de ses semelles

il marche la nuit dans cette rue

 

sa maîtresse l’attend fille peu respectable

elle traîne aux ruisseaux se repaît de bouchers

et son temps se mesure à sa chambre insatiable

qui loge maintenant un homme du tramouai

 

il doit fuir au matin les yeux fort marmiteux

et reprendre la route vers le dépôt sonore

et pendant que la belle dans le pieu dort encore

il soupire qu’il est doux d’être aimé.

 

Raymond Queneau, Les Ziaux, dans Si tu t’imagines,

Gallimard, 1952, p. 123-124.