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01/04/2025

Henri Thomas, Le Migrateur

                       henri thomas, le migrateur, souvenir

 

Je ne peux pas vivre les souvenirs des autres, de quelques-uns, d’un seul, rien. Quelle limitation, quelle prison, quel manque de sympathie ! L’idée que d’autres n’ont même pas accès, souvent, à leurs propres souvenirs, n’est pas pour me consoler. Mes propres souvenirs sont aussi un chemins vers ceux des autres (et l’inverse), et, plus loin, vers une mémoire totale, qui est peut-être à l’origine perdue de chaque souvenir.

Oui, mais qu’a-t-on donc à aimer que ce que l’on vit, que ce que l’on a vécu ? C’est là que toutes les extrapolations et paraboles prennent origine. Je ne verrai, je n’imaginerai, je ne devinerai que ce que j’ai aimé, à ma mesure.

 

Henri Thomas, Le Migrateur, Le Chemin/Gallimard, 1983, p. 119.

31/03/2025

Henri Thomas, Le Migrateur

                         henri thomas, le migrateur, écrit

Le langage ne nous est ni plus ni moins personnel que la respiration, qui nous vient avant lui et qui le reçoit, de la même source lointaine. « De même que nous avons été enfants avant d’être hommes… » (Descartes), et de même qu’avant d’avoir été enfants, quoi ?

 

« Je n’ai pas connu la douce folie des enfances paysannes », écrit Sartre dans Les Mots : La douce folie : la dure raison, ni simple ni dialectique, la raison des bêtes et des choses, des éléments, des saisons.

 

J’ai un peu l’impression d’avoir écrit mes livres comme dans un rêve dont je ne me souviendrais pas, et dont ces livres ne sont pas le récit, mais le résultat, ou le reflet fragmenté, comme écrits dans la marge étroite d’un éveil. Quelquefois aussi, je me souviens de l’amour, et je me demande ce que c’est.

 

Henri Thomas, Le Migrateur, Le Chemin /Gallimard, 1983, p.156, 187, 206.

29/03/2025

Henri Tomas, Le Migrateur

                          Henri thomas, le migrateur, inspiration comique

Le soleil du solstice d’hiver sur la mer, par un jour sans nuages. Les ombres des rochers sonnent quelque chose d’étrange à la lande, comme s’il y avait là un langage ignoré qui affleure au jour. Je songe que tout ce que j’ai pensé est en moi de la même manière, sujet au mouvement de la vie que je ne connais pas.

 

Appelle cela l’inspiration, si tu veux : en tout cas ce n’est pas la raison (ou alors drôlement masquée) qui donne le feu vert aux mots, à tout le train des phrases.

Une des vagues de l’esprit, sans doute — mais on peut en dire autant de tout ce qui bouge.

 

À la manière dont cette jeune femme s’écrie : « Nuance ! », au Lipp, côté « limonade », on comprend le comique, l’affreux comique du salon Verdurin.

 

Henri Thomas, Le Migrateur, Le Chemin/Gallimard, 1983, p. 110, 114, 117.