03/01/2023
Hugo Hofmannsthal, Le lien d'ombre
Tercets, IV
Parfois des femmes que nul n’a jamais aimées viennent
En rêve à notre rencontre, on dirait des petites filles,
Et elles sont indiciblement émouvantes à voir.
Comme si avec nous sur d’invisibles routes
Elles avaient par un soir de jadis longuement cheminé,
Tandis que les cimes des arbres s’agitent en respirant
Et que tombe sur nous un souffle parfumé, et la nuit, et l’angoisse,
Et que le long du chemin, de notre chemin, l’obscur,
Dans la clarté du soir les étangs muets resplendissent.
Miroir de notre nostalgie, ils scintillent comme en rêve,
Et à toutes les paroles murmurées, à tout le flottement
De l’air du soir et au premier éclat des étoiles,
Les âmes, ces sœurs, profondément tressaillent
Et s’affligent, et s’emplissent d’une gloire triomphante,
Émues par le profond pressentiment qui comprend la grandeur de la
vie
Et sa splendeur et son austérité.
Hugo Hofmannsthal, Le lien d’ombre, poèmes complets, traduit de l’allemand, annoté et présenté par Jean-Yves Masson, édition bilingue, Verdier poche, 2006, p. 200-201.
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08/09/2012
Hugo Hofmannsthal, Le lien d’ombre, poèmes complets
Tercets, IV
Parfois des femmes que nul n’a jamais aimées viennent
En rêve à notre rencontre, on dirait des petites filles,
Et elles sont indiciblement émouvantes à voir.
Comme si avec nous sur d’invisibles routes
Elles avaient par un soir de jadis longuement cheminé,
Tandis que les cimes des arbres s’agitent en respirant
Et que tombe sur nous un souffles parfumé, et la nuit, et l’angoisse,
Et que le long du chemein, de notre chenmin, l’obscur,
Dans la clarté du soir les étangs muets resplendissent.
Miroir de notre nostalgie, ils scientillent comme en rêve,
Et à toutes les paroles murmurées, à tout le flottement
De l’air du soir et au premier éclat des étoiles,
Les âmes, cessœurs, profondément tressailent
Et s’affligent, et s’emplissent d’une gloire triomphante,
Émues par le profond pressentiment qui comprend la grandeur de la
vie
Et sa splendeur et son austérité.
Terzinen, IV
Zuweilen kommen niegeliebte Frauen
Im Traum als kleine Mädchen uns entgegen
Und sind unsäglich rührend anzuschauen,
Als wären sie mit uns auf fernen Wegen
Einmal an einem Abend lang gegangen,
Indes die Wipfel atmend sich bewegen
Und Duft herunterfällt und Nacht und Bangen,
Und längs des Weges, unsres Wegs, des dunkeln,
Im Abendschein die stummen Weiher prangen
Und, Spiegel unsrer Sehnsucht, traumhaft funkeln,
Und allen leisen Worten, allem Schweben
Der Abendluft und erstem Sternefunkeln
Die Seelen schwesterlich und tief erbeben
Und traurig sind und voll Triumphgepränge
Vor tiefer Ahnung, die das große Leben
Begreift und seine Herrlichkeit und Strenge.
Hugo Hofmannsthal, Le lien d’ombre, poèmes complets, traduit de l’allemand, annoté et présenté par Jean-Yves Masson, édition bilingue, Verdier poche, 2006, p. 200-201.
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