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11/08/2015

Jean-Louis Giovannoni, Journal d'un veau

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Je n’ai pas honte de le dire : je ne veux pas que ma viande soit blanche. Je ne supporterais pas la moindre coloration interne. Tous ceux qui m’entourent ont beau faire les fiers-à-bras, les m’as-tu-vu, leur rêve secret, c’est l’immaculé de la chair. N’est-ce pas la seule façon de rendre hommage à nos maîtres ? Eux qui s’usent au travail pour nous permettre d’atteindre cette beauté : une viande blanche, ferme et légèrement rosée. Ce teint délicat fait ressortir la santé et la joie qui nous transportent. Comme le rose aux joues, si beau, si recherché sur le visage des petits d’homme. Moi, c’est dedans que je veux afficher cettesanté visible. La carnation du visage, nous la portons à même la chair, au plus profond. On nous désire pour cela. Il n’est pas facile de soutenir une telle constance. Un rien, le moindre faux pas alimentaire, et ce sont des jours d’efforts, de restriction avant de retrouver un visage de lait. Certains humains arrivent à une blancheur égale à la nôtre, mais est-ce vraiment naturel ?

 

Jean-Louis Giovannoni, Journal d’un veau, roman intérieur, éditions Léo Scheer, 2005, p. 23-24.

11/10/2012

Jean-Louis Giovannoni, Journal d'un veau

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   Je ne cherche pas à me consoler, comme tant de bêtes, avec l'herbe grasse des prairies. On ne noie pas sa mort en l'étourdissant avec trop de biens. Rien ne peut la  rassasier, ni même l'enivrer. Alors, pourquoi lui fournir plus qu'elle ne demande ? Un corps léger donne autant de joie qu'un repas de gala ! L'important, c'est de vivre intensément et non de raboter la terre pour empeser tous ses copeaux au fond de soi. Le massif n'épargne jamais l'entrée des couteaux. Les lames connaissent par cœur nos géométries secrètes. Pourquoi les perdre dans l'épais, les accumulations de vivres ? Certaines vaches, en se gonflant ainsi, se disent : Plus je prends de terre, plus elle me gardera en son affection. Pensent-elles se rendre ainsi nécessaires ? Plus grande sera leur chute. Rien en vaut une cuisine légère !

Les ventres pesants, couchés, se perdent dans de mauvais rêves. Ma  mission n'est pas la torpeur, mais la contemplation, le détachement des ligaments bestiaux

 

 Jean-Louis Giovannoni, Journal d'un veau, roman intérieur, éditions Léo Scheer, 2005, p. 37-38.