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13/12/2019

Jean-Loup Trassard, Paroles de laine

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L’été, cette année-là, fut d’une sécheresse exceptionnelle. Dans le village où je venais pour la seconde fois en vacances, les yeux commençaient à briller comme s’ils s’identifiaient à l’eau dont ils ne trouvaient point le signe au fond des puits. Je crois que les gens pensaient à des plantes grasses qu’ils auraient pu entamer au couteau et croquer, mais tous les végétaux comestibles avaient déjà donné leurs graines en juin. Les chiens haletaient, les chevaux baissaient la tête, exténués. Le village était silencieux par économie.  Les rideaux en perles de bois avaient fait place aux portes pleines de l’hiver, plus protectrices. Le milieu des places n’était    plus traversé par personne et mes yeux éblouis ne voyaient rien du peu de circulation qui vers les épiceries, les cafés suivaient l’ombre des murs.

 

Jean-Loup Trassard, Paroles de laine, Gallimard, 1969, p. 53.

04/06/2018

Édith Azam, Oiseau-moi

 

e-azam.jpg

Il y a des centaines de bancs,

et là encore je me grave

écris des mots d’amour

et des envols d’oiseaux.

Je sais

je sais

elle ne sait pas :

je résiste

et vais me dire

qu’Hannah est là

parce que tout simplement :

elle y est.

Ça ne tient pas debout ?

Peu importe

je rêve à m’y méprendre

au-delà de

toute expression.

No sens no sens

j’ai peur Hannah.

J’avale un peu de nuit

pour me calmer

cailloux noirs ronds glacés

et cest si triste alors.

Ce serait bien parfois

que la fatigue

se repose.

Ce serait bien :

diminuer…

No sens no sens…

 

Édith Azam, Oiseau-moi, Lanskine, 2018, p. 18.

Édith Azam, Oiseau-moi

 

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Il y a des centaines de bancs,

et là encore je me grave

écris des mots d’amour

et des envols d’oiseaux.

Je sais

je sais

elle ne sait pas :

je résiste

et vais me dire

qu’Hannah est là

parce que tout simplement :

elle y est.

Ça ne tient pas debout ?

Peu importe

je rêve à m’y méprendre

au-delà de

toute expression.

No sens no sens

j’ai peur Hannah.

J’avale un peu de nuit

pour me calmer

cailloux noirs ronds glacés

et cest si triste alors.

Ce serait bien parfois

que la fatigue

se repose.

Ce serait bien :

diminuer…

No sens no sens…

 

Édith Azam, Oiseau-moi, Lanskine, 2018, p. 18.

09/04/2017

Henri Michaux, Façons d'endormi, façons d'éveillé

                          Michaux.JPG   

   Dans les moments où, trahi par les muscles amollis, je me sens le plus incapable de bouger, c’est alors que je me transporte au-dehors.

   Profitant de l’étonnante liberté retrouvée au moment où elle paraissait perdue, je m’élance au-dehors, non je jaillis plutôt que je ne m’élance, ce n’est pas pour aller à la porte ou à la fenêtre mais plutôt sur les murs, ou bien au plafond, et sans me servir de mes pieds ni d’aucun de mes membres. Les continuité, et discontinuités ne m’affectent plus, comme elles font à l’ordinaire.

   Ainsi d’emblée je suis dans la pièce voisine, dans une autre, ou dans la rue.

   Oui, quand étendu, emmailloté dans ma fatigue, les membres rigides, je suis tel un cadavre, c’est alors que je suis le plus actif — le plus libre. Noué, je suis dénoué.

 

Henri Michaux, Façons d’endormi, façons d’éveillé, II, dans Œuvres complètes, III, Pléiade Gallimard, 2004, p. 531.