08/03/2012
Guillevic, Ensemble
Ensemble
I
Il fallait que le jour,
En se levant de table,
Laisse achever la nuit
Son repas de bitume.
Il fallait que le jour,
En se levant de table,
Vienne toucher la cour
Tout engluée de fable.
Et qu'il laisse la nuit,
Engluée dans ses plumes,
Achever dans le froid
Son repas de bitume.
II
Si la voile bat au vent,
C'est que tout n'est pas perdu.
— Au levant l'eau de mer batifole dans le sel.
Au levant le soleil,
Cœur nettoyé de sang.
III
Tu te réveilles...
Tu vois encore de grands trous d'ombre,
Des gueules ouvertes, des dents de roches,
Un grand feu
Léchant le métal.
Tu as vu, retiré de la mer incendiée,
Le sol bouchant le noir des longs couloirs brûlés,
Le mouvement des grandes masses d'eau, tu te souviens
De la clameur de leur défaite.
Tu glissais parmi le chaos,
Poussant les roches au rire,
Cherchant l'amitié du feu.
Tes flancs, ta bouche accouchaient les végétaux,
Les animaux criant d'espoir et s'en allant
Attendre la poussée de leur chair exigeante.
Tu faisais claquer la lagune sur ta langue,
Tes doigts montaient dans les écorces,
Tu collais à ta peau
Toute l'argile.
[...]
Guillevic, Ensemble, "Cahiers de l'École de Rochefort", René Debresse éditeur, 1942, p. 3.
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