08/01/2017
Denis Thouard, Pourquoi ce poète ? Le Celan des philosophes
Poétique, philosophie, politique : les trois s’enchaînent, et enchaînés, libèrent. Les bonnes et les mauvaises recettes sont là depuis longtemps.
Une société très sélective, qui pourrait être une secte littéraire, aussi bien qu’une communauté politique, d’abord. Lucien, auteur grec du IIe siècle de notre ère, né en Syrie, rapporte la proposition de décret que Momus présente à Jupiter pour limiter les nouveaux arrivants de cette assemblée : les dieux qui ne pourront faire la preuve de leur citoyenneté olympienne « seront renvoyés en leur pays, leurs autels profanés et leurs statues renversées, et s’ils s’ingèrent à l’avenir d’entrer dans le Ciel, ou sont trouvés sur le chemin, ils seront précipités dans les Enfers ! » Le rejet est ici sans ménagements. Une société se constitue par la clôture. Elle s’autosacralise en expulsant l’autre hors de soi. Pour faire la preuve de sa bonne foi, ou à tout le moins de papiers en règle, il faut un bon avocat.
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Denis Thouard, Pourquoi ce poète ? Le Celan des philosophes, ‘’L’ordre philosophique’’, Seuil, 2016, p. 184.
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07/01/2016
Gustave Courbet : pourquoi refuser la Légion d'honneur
au ministre des Beaux-Arts
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Mes opinions de citoyen s’opposent à ce que j’accepte une distinction qui relève essentiellement de l’ordre monarchique. Cette décoration de la Légion d’honneur, que vous avez stipulée en mon absence et pour moi, mes principes la repoussent. En aucun temps, en aucun cas, pour aucune raison, je ne l’aurais acceptée. Bien moins le ferai-je aujourd’hui que les trahisons se multiplient de toutes parts, et que la conscience humaine s’attriste de tant de palinodies intéressées. L’honneur n’est ni dans un titre, ni dans un ruban : il est dans les actes et dans le mobile des actes. Le respect de soi-même et de ses idées en constitue la majeure part. Je m’honore en restant fidèle aux principes de toute ma vie : si je les désertais, je quitterais l’honneur pour en prendre le signe.
Mon sentiment d’artiste ne s’oppose pas moins à ce que j’accepte une récompense qui m’est octroyée par la main de l’État. L’État est incompétent en matière d’art. Quand il entreprend de récompenser, il usurpe sur le droit public. Son intervention est toute démoralisante, funeste à l’artiste, qu’elle abuse sur sa propre valeur, funeste à l’art, qu’elle enferme dans des convenances officielles et qu’elle condamne à la plus stérile médiocrité. La sagesse pour lui est de s’abstenir. Le jour où il nous aura laissés libres, il aura rempli vis-à-vis de nous tous ses devoirs.
Souffrez donc, Monsieur le Ministre, que je décline l’honneur que vous avez cru me faire. J’ai cinquante ans , et j’ai toujours vécu libre. Laissez-moi terminer mon existence libre ; quand je serai mort, il faudra qu’on dise de moi : « Celui-là n’a jamais appartenu à aucune école, à aucune église, à aucune institution, à aucune académie, surtout à aucun régime, si ce n’est le régime de la liberté ! »
Gustave Courbet, Lettre du 23 juin 1870 au Ministre des Beaux-Arts.
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