20/06/2024
Fernando Pessoa, Le violon enchanté
Anamnèse
Quelque part où jamais je ne vivrai
Le jardin d’un palais renferme
Une telle beauté que j’ai mal d’en rêver.
Là, jalonnant d’immémoriaux sentiers,
Prénatales, de grandes fleurs
Rappellent ma vie perdue, avant Dieu.
Là j’étais heureux et l’enfant
Qui jouissait de fraîches ombres
Où se sentir non sans douceur un exilé,
On m’arracha toutes ces choses vraies au loin.
Ô mes patries perdues !
Mon enfance avant Nuit et Jour !
Fernando Pessoa, Le violon enchanté, Christian
Bourgois, 1992, p. 173.
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07/12/2015
Michel Deguy, Biefs
J’ai connu un vieux couple qui se déchirait de procès à dessein — peu conscient — de remettre en question son propre passé : féroce anamnèse, jusqu’au premier regard de fiancés, déjà truqué.
O salves du cœur, fantasia des yeux, l’état sauvage, l’impatience de toute conséquence ( j’ai connu un fervent cavalier peut-être à cause d’une image des Huns tôt imposée). Gestes perdus, balles perdues, enfant perdu, si perdu que pas une théorie du lapsus n’y retrouvera ce qui fut sien.
Et qu’elle y retrouve une trace, elle entendra l’éclat de rire du gitan ! Liberté brisée brisante, vague incalculable sur le corail errant, torrent jeune.
Michel Deguy, Biefs, Gallimard, 1964, p. 75.
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