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04/04/2012

Amelia Rosselli (1930-1996),"Une brève anthologie", dans Europe, avril 2012

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                Dialogue avec les poètes

 

De poète à poète : dans un langage stérile, qui

s'approprie la bénédiction et en fait un petit

jeu ou geste, ralentissant le pas sur le fleuve

pour laisser dire toute honnêteté. De poète en poète :

semblables à de gros oiseaux, qui ravissent le vent

qui les porte et contribue à améliorer la

faim. Petit à petit un futile motif qui

les réjouit, eux qui se voient croître en estime, les lettrés

aux chemises ouvertes qui bronzent, au soleil

de toutes les tranquillités ; un petit geste malheureux

les reconduit dans l'au-delà avec la mort qui semble

descendre et les enserrer.

 

Ironique facticité, ou y a-t-il une vérité ? dont je

puisse dire qu'elle est aussi la tienne ?

 

Mais dans le fleuve des possibles se levait aussi

un petit astre nocturne : ma vanité, d'être parmi

les premiers un géant de la passion, un Christo-emblême

des renoncements. Annonçant chasteté, problèmes

des bouches viriles, j'ai su que tu t'étais tué

d'un coup sec à la nuque : empire sur soi si

dans la nuit tonne l'ouragan. Ouragan particule

de si vaste emprise qu'il fait ruisseler ton front même

de pudeurs inexistentielles.

 

Et au coup d'horloge je te revis, mort sur le carrelage, brandir

des non-sens, repasser ta chemise aux quatre coins

et à la terre crachant des coups de pied conformistes.

 

 

                    *

 

Changer la prose du monde,

son horloge intacte,

et nous qui encadrons les manèges

épuisants de baisers.

 

Tu as inventé de nouveau la lune,

c'est une pauvre île

elle t'appelle avec une contingence désespérée

abâtardie par les longs dîners.

 


Amelia Rosselli, Une brève anthologie, traduction de l'italien de Marie Fabre, dans Europe, avril 2012, n° 1996, p. 214-215 et 220