19/12/2020
André Frénaud, Haeres
Ce si peu
Ce si peu. La tendresse qui me consolait parfois,
et pour toujours la vie traversière,
les échos précoces et les équipées,
les vains obstacles à la mort et la mort même.
André Frénaud, Haeres, dans Nul ne s’égare,
précédé de H, Poéssie/Gallimard, 2006, p. 177.
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29/04/2016
Laurent Albarracin, Le Grand Chosier
Les orages grondent et grondent mais ils grondent
Sans qu’on sache d’où cela vient, comme une vitre
Tremble, comme sous la poussée d’un taureau vague,
Un taureau venant, taureau se formant dans l’air.
Né de son souffle, de son pas ou de son coup
D’épaule, les orages grondent et ils naissent
D’eux-mêmes, de la caresse de leur puissance,
Du doux frisson de la colère qui les roule,
Grondent de plaisir comme un éboulis de fauve
Où ronronne un torrent d’eau claire entre ses dents,
Eau qui est salive qui dévaste sa pente.
Tels des châteaux d’air en marche sur le gravier —
L’être est amplification de sa venue —
Les orages grondent en s’en faisant l’écho.
Laurent Albarracin, Le Grand Chosier, Le corridor bleu,
2016, p. 108.
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27/06/2015
Georges Braque, Le jour et la nuit
En art, il n’y a pas d’effet sans entorse à la vérité.
*
Contentons-nous de faire réfléchir, n’essayons pas de convaincre.
*
Il ne faut pas imiter ce que l’on veut créer.
*
Il n’est en art qu’une chose qui vaille : celle qu’on ne peut expliquer.
*
C’est la précarité de l’œuvre qui met l’artiste en posture héroïque.
*
Faute de pouvoir adapter un vocabulaire périmé, le critique condamne.
*
L’écho répond à l’écho. Tout se répercute.
Georges Braque, Le jour et la nuit, Gallimard, 1952, p.10, 11, 11, 12, 13, 14, 30.
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20/06/2011
Michaël Palmer, Première figure
Poème en deux parties
et j’arrivais les yeux fermés
préparé à une musique en aucune manière réelle, marche-
arrêt de la lumière, un alphabet
de formes contre les murs de l’hôtel,
port avec des bateaux sur leurs côtés
et les taxis et les tours d’eau nervées…
ne craignant rien, protégé par ces fleurs…
Elle descendit, attendue
par ses quatre assistants rongeurs, « se raccroche
à l’air. » L’enfant
est malheureux et casse les choses
puis les choses le cassent. Nous partageons
une maladie dit l’ami. Il pressa
l’accélérateur et perdit la tête.
Écho
(texte antiparallèle pour Pascal Quignard) (1)
qui résonne. Ré-sonne. Où le premier suivrait. La lettre qu’il avait perdue réapparue dans sa paume. L’identité en était la cause. Non que le mot prononcé ait été entendu. Non que le mot prononcé puisse être vu, même partiellement, tracé contre l’écran. Le langage le copie dans son écoute, traçant sa copie imparfaite. Qui résonne. Fait écho brièvement. Le bruissement qu’un mur transmet par interférence. par exemple : levé les deux bras au-dessus de sa tête. Et dit : une lettre une lettre avec laquelle pouvoir compter. Bruissant comme d’un vêtement tel qu’une robe ou une robe verte. Une même teinte grise comme d’une page, enregistrant des événements. Le sujet est celui-ci, bruissant au moment de la prononciation, avec lequel compter. Non que les mots ainsi s’élevaient au-dessus de la tête et se transformaient en collines. Cela se pourrait. Être reconnu dans sa propre incompréhension. Après que la conversation soit faite une espèce d’attention à chaque marque, une identité blessée tracée contre l’écran. Soweto-Miami. Incinéré à côté de la rivière.
qui sonne (sonnait) différemment la nuit. Non que les mots ré-assemblés parmi les collines, exactement, où il n’y en avait pas. Un bruissement le saisit, l’histoire de l’étoffe et du vent, haies. Ou les fenêtres au-dessus de la rivière, bleuets et myosotis, un même bleuté que celle d’une page, une erreur dans la traduction. Le passé lointain visité et nous lui murmurons bien. Entendu précédemment à cela même et habillé comme une ombre. Non que les mots ressemblassent exactement aux collines, cachés parmi eux. Soweto-Miami comme d’une lumière particulière, une qualité. Collines où il n’y en avait aucun, seulement des sons. Corps peut-être d’un chien, flottant, les dix premières notes, le mode majeur puis le mineur. Échos à une attention.
[…]
(1) En français dans le texte
Michaël Palmer, Première figure, traduction de Virginie Poitrasson et Éric Suchère, éditions José Corti, 2011, p. 31 et 61-62.
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