01/01/2015
Guillevic, Coordonnées
— À t'entendre on dirait
Que le jour s'est muré,
Qu'il ne nous reste sur les yeux
Que de la nuit martyrisée.
— C'est moins que rien, c'est tas d'absence.
Sommeil et masse.
— Le merle veut. Qui dirait mieux ?
Il parle d'air
Teinté de sang la nuit dernière.
— Sang ou musique,
On y voit noir.
— Peut-être un homme au fond du puits,
Grimpant encore
Puisque le noir n'est pas le jour.
— Je veux bien, si les roches
Pratiquent d'autres danses.
— Mais la pervenche a d'autres joies,
Car elle en dit
Plus que le pré ne peut en croire.
— Le tremblement léger
Qui n'arrivait à rien
Qu'à se trouver spirale,
En voie toujours de se former
Sans poids ni lieu.
— Un champ de seigle, un toit de tuile
Pour le soleil, et la fillette
Plus près du seigle que du ciel.
— On pourrait faire un jeu
Où les racines seraient surprises.
On les verrait qui alimentent.
— Presque pareils
A l'eau du lac avec la terre
Qui lui fait bol,
Ainsi nous sommes, quand tu pourras.
— Salue, arbre, salue, salue,
Salue la mer si tu vois loin.
Vous n'aurez pas
D'autres amours.
Guillevic, Coordonnées, éditions des Trois Collines,
Genève-Paris, 1948, p. 109-111.
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